Expertise notariale - Un an d'application de la réforme des contrats. Quel impact sur la pratique notariale ? - 2017-2018 - 1er - 175

LA NOVATION ET LA DÉLÉGATION 175

Ainsi et suivant une analyse éclairée du doyen Simler, le délégant renoncerait à sa créance contre le délégué mais sous condition résolutoire de la
défaillance du délégué envers le délégataire : la créance du délégant sur
le délégué survivrait mais à titre conditionnel38.
La Cour de cassation s'est prononcée sur cette question difficile par des arrêts
remarqués qui tendent à rapprocher les régimes de la délégation et de la cession de créance alors même que la délégation n'est pas une opération translative de droit mais créatrice d'un droit nouveau au profit du délégataire.
Dans un important arrêt du 16 avril 1996, la Chambre commerciale décidait
ainsi que « si la créance du délégant sur le délégué s'éteint, non pas du fait de l'acceptation par le délégataire de l'engagement du délégué à son égard, mais seulement
par le fait de l'exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers ne peuvent
avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger paiement ; qu'il en résulte
que la saisie-arrêt effectuée entre les mains du délégué par les créanciers du délégant ne
peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif
à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec les créanciers saisissants » ; la solution, un temps remise en cause semble-t-il39, est naturellement favorable à l'efficacité de la délégation de loyers40 .
Un arrêt ultérieur du 14 février 2006 paraît avoir réaffirmé cette solution
favorable au délégataire dans une hypothèse précisément de délégation
de loyers, relevant que « la saisie-attribution effectuée entre les mains du délégué
par le créancier du délégant ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son
acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans
concours avec le créancier saisissant »41.
38. Ph. Simler, L'énigmatique sort de l'obligation du délégué envers le délégant tant que l'opération de délégation n'est dénouée, Mélanges J.-L. Aubert, Dalloz, 2004, p. 295 et s.
39. Cass. com., 29 avr. 2002, nº 99-15072 ; Bull. civ. IV, nº 72 ; D. 2002, AJ, p. 1835, obs. F. Bicheron ;
D. 2002, p. 2673, note D. Houtcieff : en indiquant que la créance du délégant « n'est pas sortie de
son patrimoine », la solution manifestait un revirement par rapport à la solution antérieure rendue en 1996 de sorte que la délégation ne créait ici aucun droit exclusif au profit du bailleur
opposable à la date de la délégation puisqu'une délégation de loyers effectuée en 1989 avait dû
s'incliner face à des avis à tiers détenteurs notifiés au preneur entre 1990 et 1992. L'arrêt du
14 février 2006 cité plus loin a opportunément refermé cette parenthèse jurisprudentielle.
40. V. pour la solution antérieure : Cass. com., 16 avr. 1996, Bull. civ. IV, nº 120 ; JCP 1996, II,
22685, note M. Billiau ; Defrénois 1996, Art. 36381, nº 104, p. 1018, obs. D. Mazeaud ; D. 1996,
somm., p. 333, obs. L. Aynès ; D. 1996, p. 571, note Ch. Larroumet ; RTD civ. 1997, p. 132,
obs. J. Mestre ; I. Dauriac, Le sort de la créance du délégant envers le délégataire au cours
de la délégation. Réflexion à propos de l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de
cassation en date du 16 avril 1996, Defrénois 1997, Art. 36664, p. 1169 et s.
41. Cass. com., 14 févr. 2006, Bull. civ. IV, nº 37 : « Mais attendu que si la créance du délégant sur le
délégué s'éteint seulement par le fait de l'exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers ne
peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement ; qu'il en résulte que la
saisie-attribution effectuée entre les mains du délégué par le créancier du délégant ne peut avoir pour effet
de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué,
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