Expertise notariale - Un an d'application de la réforme des contrats. Quel impact sur la pratique notariale ? - 2017-2018 - 1er - 57

LE CONTENU DU CONTRAT 57

contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public »,
encore que le premier se limite à une violation formelle d'une loi et que
le dernier ne reprend pas la notion controversée de bonnes mœurs. Mais
ces différences peuvent être considérées comme cosmétiques dans la
mesure où la notion de loi, dans le texte, était déjà largement entendue et
où les mauvaises mœurs, bien difficiles à définir, n'étaient plus véritablement sanctionnées que si elles violaient des lois d'ordre public.
La référence à la présence ou à l'absence de connaissance, par les parties,
de la violation de la règle d'ordre public n'est pas davantage une nouveauté. Elle avait déjà été posée clairement par la jurisprudence7.
65. En réalité, aujourd'hui comme hier, demeure la difficulté de déterminer le
périmètre exact de la notion car, si certains textes s'affichent expressément
comme étant d'ordre public, beaucoup d'autres demeurent silencieux sur
leur nature en la matière. Elle se pose d'ailleurs à propos de l'ordonnance
du 10 février 2016 dans son ensemble. Faut-il considérer comme impératifs
tous les articles qui ne prévoient pas de clauses contraires où faut-il laisser la
jurisprudence déterminer, au cas par cas, quelles sont les possibilités de
dérogation ? Le rapport de présentation de l'ordonnance précisant, à propose de l'article 1104, que : « La présente ordonnance étant supplétive de volonté
sauf disposition contraire... », il faudrait en déduire que la liberté contractuelle conserverait tout son empire. Mais, compte tenu du fait que seuls
quatre articles se présentent expressément comme d'ordre public, il est
probable que bien d'autres seront considérés comme impératifs par la jurisprudence, sauf à réduire, de manière excessive, la portée de la réforme8.
66. La pratique s'interroge donc sur la portée réelle de cet ordre public et sur
la possibilité corrélative de déroger, par des stipulations contractuelles, à tel
ou tel aspect de la loi nouvelle. La prudence ou l'audace se rencontrent. La
seconde attitude n'est pas nécessairement la plus critiquable, à condition,
toutefois, que les audacieux et leurs clients soient conscients du risque
qu'ils encourent d'être désavoués et qu'ils l'aient intégré dans leur approche contractuelle. Mais si leur point de vue est validé, les timorés

7. « Un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l'une des parties n'a pas eu
connaissance du motif illicite ou immoral déterminant de la conclusion du contrat » (Cass. 1re civ.,
7 oct. 1998, nº 96-14359 ; Bull. civ. I, nº 285 ; JCP G 1998, II, 10202, note Maleville ; JCP G
1999, I, 114, nº 1, obs. C. Jamin ; D. 1998, p. 563, rapp. J. Sainte-Rose ; D. 1999, somm. p. 110,
obs. P. Delebecque ; Defrénois 1998, Art. 36895, p. 1408, obs. D. Mazeaud ; Gaz. Pal. 2000, 1,
p. 643, obs. F. Chabas ; Contrats, conc. consom. janv. 1999, nº 1, obs. L. Leveneur - Dans le
même sens, Cass. 1re civ., 1er mars 2005, nº 02-16280, Contrats, conc. consom. 2005,
comm. 124, obs. L.L. ; RJDA 7/2005, nº 785.
8. V. C. Pérès, Règles impératives et supplétives dans le nouveau droit des contrats, JCP G nº 16,
18 avr. 2016, 454.

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