Doctorat et Notariat - Le traitement juridique de la rupture du couple - Tome 59 - 278

262

LE TRAITEMENT JURIDIQUE DE LA RUPTURE DU COUPLE

décisions sur le constat de la vie commune du couple, et sur le fait que l'enfant est
dépourvu de lien de filiation paternel, ce qui revient à envisager une éventuelle
défaillance de la mère110.
Dès lors, ce type de décision semble davantage basé sur la satisfaction immédiate du souhait des adultes que sur les bénéfices qu'en retireraient les enfants111.
Une telle dénaturation de la délégation de l'autorité parentale contribue à banaliser une démarche, celle qui consiste à demander à exercer conjointement l'autorité parentale avec sa concubine ou partenaire de PACS, qui est pourtant loin
d'être anodine, et dont déléguant et délégataire doivent saisir pleinement les
conséquences. En particulier, la délégation ne prend fin que par un jugement,
« s'il est justifié de circonstances nouvelles »112. Or, la rupture du couple formé par
le déléguant et le délégataire est sans incidence sur le maintien de la mesure113, si
bien que le délégataire peut exercer conjointement l'autorité parentale sur l'enfant
jusqu'à sa majorité. De ce point de vue, la délégation de l'autorité parentale permet le maintien des liens avec l'enfant au-delà de la rupture du couple de manière
plus efficace, en l'absence de statut du beau-parent, qu'un droit de visite dont
l'octroi n'est pas assuré114. Par ailleurs, on ne peut occulter le fait que la majorité
des couples concernés (des femmes essentiellement) a eu recours à une PMA à
l'étranger, puisqu'une telle démarche est prohibée en France. Partant, « ce qu'on
admet en autorisant la délégation-partage d'autorité parentale dans de telles
affaires, c'est la possibilité d'éluder délibérément la loi française pour mieux la
solliciter par la suite »115.
110. C. MÉCARY, obs.  sous TGI  Créteil, 24  mars 2011 (2 arrêts), n°  10/06078 (9e esp.) et
n°  10/06079 (8e esp.) ; CA Paris, 16  juin 2011, n°  10/22338 (7e esp.) ; TGI  Nanterre, 30  août  2011,
n°  11/04363 (6e esp.) ; TGI  Paris, 23  sept.  2011, n°  11/35995 (5e esp.) ; TGI  Paris, 14  oct.  2011,
n° 11/35997 (4e esp.) ; CA Paris, 20 oct. 2011 (2 arrêts), n° 11/04042 (3e esp.) et n° 10/11743 (2e esp.),
AJ Fam. 2011, p. 604. V. également les observations critiques d'A. MIRKOVIC, op. cit., p. 605. V. aussi
CA Agen, 1re ch. mat., 2 févr. 2012, n° 11/00530, 169/2012 : JurisData n° 2012-002007.
111. C. NEIRINCK, note préc., sous TGI Bayonne, 26 oct. 2011, n° 11/00950, déc. préc., p. 29.
112. Article 377-2, alinéa premier du Code civil.
113. TGI  Nanterre, 14  déc. 2010, n°  10/0210 : AJ  Fam. 2011, p.  426, obs.  C.  SIFFREINBLANC ; RTD civ. 2012, p. 111 (2e esp.), obs. J. HAUSER ; TGI Annecy, 1er juill. 2010, n° 09/02356 :
AJ Fam. 2010, p. 435, obs. V. AVENA-ROBARDET.
114. Et ceci, en dépit de la nouvelle formulation du deuxième alinéa de l'article 371-4 du Code
civil, modifié par la loi du 17 mai 2013. Celui-ci prévoit la possibilité, pour le juge, de fixer les modalités
des relations entre l'enfant et un tiers, « en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec
lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec
lui des liens affectifs durables ». Cependant, la mesure reste subordonnée à ce que dicte l'intérêt de
l'enfant, V.  Cass.  1re civ., 23  oct.  2013, n°  12-20.560, NP : Dr. famille 2014, comm.  36, note
C. NEIRINCK ; JurisData n° 2013-030332. Cette décision rappelle que l'ex-partenaire de PACS de la
mère est un tiers d'un point de vue juridique, et qu'en conséquence, elle ne peut pas bénéficier d'un
droit de visite à l'égard de l'enfant lorsque cette mesure n'apparaît pas conforme à l'intérêt de ce
dernier. V. aussi, CA Paris, Pôle 3, 4e ch., 5 juin 2014, n° 14/01098 : JCP 2014, 931, obs. G. KESSLER ;
JurisData n° 2014-012983. En l'espèce, la Cour d'appel infirme le jugement (TGI de Créteil du 24 déc.
2013, n° 13/00875 : AJ Fam. 2014, p. 118, obs. F. BERDEAUX-GACOGNE) ayant accordé à l'expartenaire de la mère un droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant âgé de 6 ans, dont elle
s'est occupé (en arrêtant son activité professionnelle) pendant quatre ans, en raison du « climat
passionnel et déraisonnable qui existe entre les deux ex-compagnes », et dont souffre l'enfant. L'intérêt
de ce dernier ne réside donc pas dans le maintien de ce droit de visite et d'hébergement chez l'expartenaire de sa mère. Il est intéressant de relever que la Cour prend la peine d'indiquer que « toutefois,
[cette dernière] n'était pas bénéficiaire d'une délégation de l'autorité parentale », ce qui laisse penser
qu'une telle mesure aurait pu impliquer quelques aménagements au droit de visite en cause, plutôt que
sa suppression pure et simple.
115. F. CHÉNÉDÉ, obs. préc., sous TGI Paris, 18 sept. 2009, n° 09-34715, déc. préc.
Doctorat et Notariat - Le traitement juridique de la rupture du couple - Tome 59

Table des matières de la publication Doctorat et Notariat - Le traitement juridique de la rupture du couple - Tome 59
