Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 200

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LA FIDUCIE : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

517. Le trust n'est pas une institution connue du droit français, il n'en existe
aucun équivalent du fait du dédoublement de la propriété opéré par ce dernier. En
outre, il existe peu de textes relatifs au trust en droit français et ceux-ci sont souvent de nature fiscale. D'où l'importance de la jurisprudence en la matière. Il
semble essentiel pour comprendre la portée de cette réforme, bien que limitée à la
matière fiscale de revenir sur certaines jurisprudences civiles. Ce détour en droit
civil sera complété d'une analyse catégorielle du traitement fiscal en droit français
des trusts avant l'intervention de cette réforme. Classiquement, la jurisprudence a
utilisé la méthode d'assimilation du trust à une catégorie juridique du for (§1).
L'examen de la jurisprudence nous enseigne que ce raisonnement aboutit à forcer
les qualifications, ce qui est évidemment insatisfaisant sur le plan de l'analyse
juridique. Au début du xxe siècle, les tribunaux tentent d'appréhender le trust
dans son originalité et sa spécificité21 et lui appliquer la loi d'autonomie conformément à la Convention de La Haye (§2).

§ 1. L'ASSIMILATION À UNE CATÉGORIE JURIDIQUE DU FOR
518. Bien que le trust soit inconnu du droit français et que la France n'ait
toujours pas ratifié la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, les tribunaux ont été amenés à se pencher
sur les effets en France de trusts valablement constitués à l'étranger. Ils se sont
ainsi confrontés à l'épineuse question de la qualification. Les professeurs Batifol et Lagarde notent à propos du trust que « pour rechercher la loi applicable à
la validité d'un trust, le juge français [...] doit analyser les modalités de constitution et la destination du trust dans la loi étrangère ainsi que le but poursuivi par le
constituant avant de classer le trust dans l'une des catégories du droit international privé du for ». En effet, d'après le droit international, il est indispensable de
faire entrer le trust dans une catégorie du droit interne afin de déterminer la loi
applicable. L'opération de qualification s'opère après détermination de la loi
applicable. Le juge appliquant sa propre loi doit qualifier une opération comme
s'il s'agissait d'une affaire purement interne. Ainsi un juge français, pour juger
une succession soumise à la loi française, doit tenir compte d'un testament régulièrement fait dans un autre pays, il sera alors obligé de transposer en droit
français les stipulations faites selon le droit du pays en question. Cela peut se
révéler délicat en l'absence d'instrument juridique équivalent du trust en droit
français. Lorsqu'il y a conflit de lois, les catégories internes de rattachement
doivent être déterminées. Cette méthode s'impose lorsque le mécanisme n'est
pas reconnu en droit interne. Il faut ainsi « placer l'étoffe étrangère dans les
tiroirs du système national »22. Le juriste doit donc analyser l'institution étrangère afin de dégager son rôle. Il doit ensuite la classer dans l'une des catégories
de droit international privé du for23.
21. T. civ. Seine, 19 déc. 1916, Morrogh, JDI 1917, p. 1069 : le Tribunal civil de la Seine déclare
« qu'il ne fallait pas rechercher dans le droit français des analogies plus ou moins proches » du
trust. V. égal. : TGI Bayonne, ord., 28 avril 1975, Dame B., JCP G 1975, II, n° 18168 : le Tribunal de
grande instance de Bayonne a défini le trust comme « une institution originale du droit anglais » avant
de considérer le trustee comme le véritable propriétaire des biens mis en trust, bien que ses prérogatives
soient doublement limitées par l'acte de constitution du trust et les règles de l'« Equity ».
22. Melchior.
23. B. Audit, Droit international privé, Economica, 6e éd., § 202, p. 186.

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