Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 205

LE TRAITEMENT FISCAL DES TRUSTS ÉTRANGERS EN FRANCE

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solution désirable », puis seulement dans un second temps à rechercher les justifications d'une telle solution41. Un autre auteur a pu nous faire remarquer que cette
méthode si elle se trouve plus respectueuse de la spécificité du trust n'en est pas
moins comme dans l'esprit du premier courant jurisprudentiel « téléologique »42.
2. L'assimilation du trust à une donation indirecte
528. Dans l'affaire Zieseniss du 20 février 1996, la Cour de cassation a assimilé
le trust à une « donation indirecte »43. Une veuve américaine avait constitué un trust
à New york pour la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières. Il était prévu
au terme de l'acte constitutif que sa vie durant elle recevrait les revenus, et qu'à son
décès, le capital serait versé à ses petits-enfants. Il était prévu, en outre, que le settlor
s'était réservé un pouvoir de révocation ou de modification des termes de l'acte
constitutif. Le settlor utilisa cette possibilité et modifia le trust deed afin de réserver
la qualité de bénéficiaire aux enfants d'un seul de ses fils et effectua également des
donations entre vifs en faveur d'un de ses fils. La succession étant composée essentiellement de valeurs mobilières, la règle applicable était la loi du dernier domicile
du défunt. Le settlor étant décédé en France, la loi applicable à la succession était la
loi française. La question posée au juge était celle de la conciliation de cet « anglicisme juridique »44 qu'est le trust avec les règles françaises d'ordre public régissant la
succession. En effet, le droit français prônant le principe d'égalité des héritiers dans
la succession, toute libéralité ou legs excessif mettant à mal cette règle entraîne une
réduction. Dans notre affaire, la réduction n'était pas contestée dans son principe
par les héritiers, mais dans son ordre d'imputation45.
Les juges du fond avaient alors tenté de rapprocher le trust de la catégorie
juridique la plus proche entre le legs et la libéralité46. La Cour d'appel de Paris
dans son arrêt du 28 septembre 199347, suivant en cela le raisonnement des juges
de première instance, écarta la qualification de donation (a) et assimila le trust à
une libéralité testamentaire pour fixer l'ordre de la réduction (b).
41. H. Batifol, « Les tendances doctrinales de droit international privé », Rec. de cours de
l'Académie de droit international de La Haye, 1948, t. 72, p. 61.
42. F. Barrière, th. préc., p. 144, n° 181 et s.
43. Cass. civ. 1re, 20 février 1996, affaire Zieseniss, JCP 1996. II. 22647, note Behar-Touchais ;
Defrénois 1997. p. 26, note Vignal ; RTD civ. 1996. 454, obs. Patarin ; Rev. crit. DIP 1996. p. 692, note
Droz. V. également : y. Lequette, « De l'ordre de réduction des libéralités réalisées au moyen d'un
trust entre vifs », D. 1996, p. 231.
44. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 9e éd., 2011 : v. Réduction en
matière de libéralité : « opération consistant à amputer, à la demande des héritiers réservataires, les
libéralités excessives (dons et legs qui entament la réserve héréditaire) de tout ce dont elles excèdent la
quotité disponible, ce qui peut entraîner leur diminution ou leur suppression ».
45. L'ordre d'imputation est prévu par les articles anciens 923 et 926 du Code civil (avant
réforme intervenue par Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 - art. 9 et 11, JO 24 juin 2006 en vigueur le
1er janvier 2007) : les legs doivent être réduits avant les donations. La réduction des legs s'opère de
manière simultanée et proportionnelle à leur montant. La réduction des donations se fait par ordre
chronologique, en remontant le cours du temps, de la plus récente à la plus ancienne.
46. M. Nicod, « La donation indirecte est une donation entre vifs ! », D. 2003, p. 2986, note 1 :
« Dualité des catégories confirmée par l'article 711 C. civ. (qui évoque les « donations entre vifs ou
testamentaires ») et par les travaux préparatoires du Code civil. Jaubert, dans son rapport au Tribunat
(séance du 9°floréal an XI), expliquait que l'«on pourra disposer de ses biens à titre gratuit ; mais ce sera
que par donations entre vifs ou par testaments. La distinction des dispositions de dernières volontés en
testaments, codicilles ou donations à cause de mort, ne subsistera plus ; on ne connaîtra qu'une seule
espèce de dispositions de dernière volonté : elles s'appelleront testaments » (Fenet, t. XII, p. 578).
47. CA Paris, 28 septembre 1993, D. 1993. 228, obs. Patarin ; du même auteur, RTD civ. 1994. 401.

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