Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 280

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LA FIDUCIE : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

retouches du législateur, ces techniques constituent toujours aujourd'hui des
atteintes à l'unité du patrimoine. À cette liste, les opposants à la théorie d'Aubry
et Rau ont ajouté la « fortune de mer »215, la dot, les biens communs, les inaliénabilités, les libéralités avec charge et même le patrimoine du failli qui constituerait
selon eux des patrimoines d'affectation216. Si certaines de ces institutions ne sont
plus connues du droit positif217, les entorses à l'unité du patrimoine se sont multipliées au cours du xxe siècle. Nous n'avons pas la prétention de faire un examen
exhaustif des techniques que la doctrine a pu considérer comme des patrimoines
d'affectation innommés. Nous insisterons sur trois d'entre elles : les mesures d'insaisissabilité (a), la fortune de mer (b) et les fonds communs (c).
a) Les mesures d'insaisissabilité
723. Les différentes mesures d'insaisissabilité constituent des atteintes au droit
de gage des créanciers. Mesure d'« extraction patrimoniale »218, elles permettent de
soustraire certains biens du gage des créanciers tels que les biens nécessaires au
débiteur, à sa famille, à son activité, les créances alimentaires. Certains biens peuvent
également, à la demande de l'entrepreneur, devenir insaisissables. La loi du 12 juillet 1909 permet de conférer le statut de « bien de famille » à un immeuble pour le
faire échapper aux poursuites des créanciers. Ce mécanisme, rarement employé en
raison de la lourdeur et de la complexité de sa mise en œuvre, a été supplanté par la
déclaration d'insaisissabilité des articles L. 526-1 et suivants du Code de commerce.
Initialement réservée à la résidence familiale, elle peut s'appliquer à tous les biens
immobiliers bâtis ou non bâtis qui ne sont pas affectés à un usage professionnel. Les
mesures d'insaisissabilité ne forment pas un vrai patrimoine d'affectation, mais elles
portent atteinte au droit de gage des créanciers professionnels. En outre, elles ne
sont pas opposables à tous les créanciers du débiteur219. À l'inverse, il existait une
mesure en vertu de laquelle l'entrepreneur pouvait demander à son créancier de se
payer en priorité sur les biens professionnels pour protéger dans la mesure du possible son patrimoine personnel220. Cette mesure permettait sans réaliser de dédoublement patrimonial de mettre en place un ordre de saisi des biens221.
b) La fortune de mer
724. La fortune de mer constitue une atteinte à l'unité du patrimoine qui
trouve ses origines dans l'Ancien droit. La « fortune de mer » permet au propriétaire d'un navire, à l'origine d'un événement de mer, de limiter sa responsabilité
pécuniaire soit en limitant l'indemnisation en valeur soit en constituant un fonds
en argent égal à la valeur du bâtiment222. Seule cette dernière hypothèse nous intéresse. La constitution et la liquidation de ce fonds suivent le régime de la liquidation judiciaire.
215. Loi du 3 janvier 1967, art. 2.
216. G. Plastara, La notion juridique du patrimoine, Rousseau, 1903, p. 89 et s. ; H. Gazin, Essai
critique sur la notion de patrimoine dans la doctrine classique, Rousseau, 1910, p. 265 et s.
217. La dot et le majorat ont été abolis respectivement par les lois n° 65-570 du 13 juillet 1965
portant réforme des régimes matrimoniaux et du 11 mai 1949.
218. F. Chénedé, « La mutation du patrimoine », art. préc., n° 13.
219. Ces mesures n'ont pas été abrogées par la loi du 15 juin 2010.
220. Art. 22-1, Loi 13 février 1994.
221. Cette mesure a été abrogée au 1er janvier 2012 par l'article 4 de l'ordonnance n° 2011-895 du
19 décembre 2011.
222. Loi du 3 janvier 1967.

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