Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 43

LE REJET DE LA DISSOCIATION DE LA NOTION DE PROPRIÉTÉ SUR LE PLAN CIVIL

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un propriétaire tenu de restituer un bien ou son équivalent monétaire à l'ancien
propriétaire devenu le créancier de cette restitution. Ce raisonnement transposé à
la fiducie montre que le véritable propriétaire des biens mis en fiducie est le bénéficiaire, le fiduciaire n'ayant sur eux qu'un droit réel dont la particularité est de lui
permettre de disposer de la chose, mais au nom et pour le compte du propriétaire17. Toutefois cette analyse présente certains obstacles.
b) Les obstacles à la reconnaissance du droit réel
61. Deux obstacles majeurs s'opposent à la reconnaissance du transfert
fiduciaire comme un transfert de droit réel : le principe du numerus clausus (i) et
l'inefficacité de la fiducie-sûreté (ii).
i. La limitation de la création d'un nouveau droit réel : le numerus clausus
62. Le principe de numerus clausus des droits réels s'entend comme la limitation à créer de nouveaux droits réels. Historiquement, ce principe s'inscrit dans la
volonté révolutionnaire de rompre avec les « propriétés simultanées »18 de l'époque
féodale. La conception unitaire du droit de propriété est ainsi affirmée. En vertu
de l'article 543 du Code civil, il n'y aurait sur les biens qu'un « droit de propriété,
ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ».
Pour Treilhard, il faut déduire de la rédaction de l'article 543 du Code civil son
caractère limitatif19. La Cour de cassation en a décidé autrement dans l'arrêt
Caquelard20. La Cour de cassation admet ainsi que de nouveaux droits réels
puissent être créés21. En outre, l'argument parfois invoqué par la doctrine en vertu
duquel seul le législateur serait en mesure de constituer un nouveau droit réel
s'oppose à notre conception absolutiste de la propriété. En effet, selon Toullier,
« il faut d'abord poser en principe que chacun pouvant disposer de sa propriété de la
manière la plus absolue, il peut en détacher les droits que bon lui semble, étendre ou
limiter ces droits comme il le veut ; en un mot, démembrer sa propriété de toutes les
manières qu'il juge à propos, pourvu qu'il n'y ait rien de contraire à l'ordre public.
Ainsi dans cette matière, on suit le principe général : tout ce qui n'est pas défendu est
permis »22. Toujours invoqué par la doctrine pour freiner l'adoption de nouveaux
droits réels, il ne serait donc pas suffisant pour justifier la prohibition de la création d'un nouveau droit réel. Pour autant, cette décision n'a pas eu pour effet de
multiplier les droits réels. Ni la doctrine ni la pratique n'ont cherché à profiter de
17. R. Libchaber, op. cit., spéc. n° 20 et s. ; du même auteur et déjà avant l'entrée en vigueur de
la loi de 2007, « Une fiducie française, inutile et incertaine... », dans Liber amicorum Philippe
Malaurie, Defrénois, 2005, p. 317, n° 13.
18. A.-M. Patault, Introduction historique au droit des biens, PUF, 1989, n° 1, p. 15 : dans l'Ancien
droit, le même immeuble supporte une pluralité de propriétés différentes, portant chacune sur son utilité
distincte des fonds. Plusieurs propriétaires se côtoient solidaires sur la même terre. Aucun n'est
propriétaire pour le tout ; chacun tire privativement profit d'un aspect particulier de l'immeuble.
19. Fenet, t. XIV, p. 33-39 et 57-58 : « Voici, en effet, les seules modifications dont les propriétés
sont susceptibles dans notre organisation politique et sociale ; il ne peut exister sur les biens aucune autre
espèce de droits ».
20. Cass. req., 13 févr. 1834 : « Les articles 544, 546 et 552 du Code civil sont déclaratifs du droit
commun relativement à la nature et aux effets de la propriété mais ne sont pas prohibitifs ». V. F. Terré
et y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e éd., Dalloz, n° 65, p. 421-430.
21. P. Crocq, th. préc., n° 244, p. 196.
22. Toullier, Le droit civil français suivant l'ordre du code, t.  3, Paris, 1821, n°  96, p.  62 ;
J.-F.  Barbieri, Perpétuité et perpétuation dans la théorie des droits réels, Thèse dactylographiée,
Toulouse, 1977, p. 374.
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