Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 122

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LA NOTION DE FRUITS : ÉTUDE DE DROIT PRIVÉ

l'exploitation des fruits. En effet, à côté du système de droits féodaux que nous
avons évoqué, un certain nombre de contrats qui ne relevaient pas nécessairement
du droit féodal se sont développés, contrats portant sur les terres dont le seigneur
conservait la jouissance. Ces contrats de fermage ou de métayage entre seigneurs
et exploitants étaient conclus sur des durées assez longues mais n'avaient aucun
caractère perpétuel ou héréditaire. Ceux-ci étaient alors soumis au « droit civil
avec une forte influence du droit romain, notamment dans le Midi de la France65 ».
Basés sur la cession du droit aux fruits, pour une durée déterminée, contre un
loyer au montant modéré, ces contrats offraient la possibilité pour le bailleur de
se défaire du preneur une fois le terme échu. Ces contrats trouvaient en partie leur
origine dans le droit romain mais pas uniquement. En effet, depuis le Bas-Empire,
le bail à métairie était devenu le mode d'amodiation le plus ordinaire. Mais à cette
époque-là, la position du colon se situe à mi-chemin entre liberté et servitude. Le
colon conserve, d'un point de vue technique, sa qualité d'homme libre mais
demeure définitivement rivé au sol affermé. En contrepartie d'une part des fruits
produits, le propriétaire du sol lui concède l'exploitation d'un domaine, domaine
dont il fait partie. Sa condition étant irrévocable, il ne peut plus, même s'il est en
principe libre, rompre ses liens66. Avec l'invasion des barbares, le colonage semble
alors disparaître, même si les barbares d'origine germanique avaient pour habitude de faire exploiter les terres par les esclaves et toute personne inapte au combat, sans toutefois se fonder sur un contrat. C'est à l'époque carolingienne que
nous retrouvons le métayer67. À cette époque, et environ jusqu'au Xe siècle, le
servage féodal, ne permettait au cultivateur, au métayer lié à la terre, que de la
travailler au profit de ses maîtres. Cependant, au Xe siècle, la condition des
métayers s'améliore en raison de la nécessité pour le seigneur de défendre son fief
contre les entreprises de ses voisins. Cette nécessité de se défendre, « le conduisit
à développer ses forces et sa richesse. De là, des affranchissements multiples et la
mise en culture de tènements le plus souvent improductifs. Les serfs obtenaient leur
liberté et des concessions de terres sous la condition que chaque village, créé sous
cette impulsion au pied du château et du monastère, payerait une redevance en argent
ou en nature68 ». Cependant, aucune distinction entre les divers preneurs de biens
ruraux ne se trouvait alors établie : « que l'on baille en argent ou en bled ou à moitié, nous les appelons tous métayers69 ». Malgré un grand nombre d'appellations,
on constate « qu'aucune ligne de démarcation bien tranchée ne séparait les diverses
65. PROUDHON (P.-J.), Ibid., p. 81.
66. S'il tente de fuir afin de mettre fin au bail à métairie, il sera assimilé à l'esclave fugitif. Dans
ce cas, il sera réputé coupable du vol, vol de sa propre personne. Convaincu de vol, s'il est retrouvé, il
sera ramené au propriétaire du fonds qu'il a illicitement abandonné ainsi que ses enfants, quand bien
même ces derniers seraient nés sur une autre terre. Les textes précisent que le colon était aussi soumis
aux redevances des gens de sa condition, sans pouvoir jamais s'en affranchir (Justinien, Codex XI,
XLVII, L).
67. Par exemple, on retrouve un acte écrit en 819 où le chanoine Haganon faisant une donation
à l'abbaye St-Marlin de Tours, stipulait en ces termes : « Je donne à l'abbé Friedgies, notre manoir
seigneurial avec les hommes qui demeurent là et que nous y avons établis pour y vivre comme des colons,
et nous ordonnons que ces hommes cultiveront la terre et les vignes et toutes choses à mi- fruits, et qu'on
ne leur donnera rien de plus et qu'après nous ils n'auront point de troubles à souffrir ».
68. BOUISSOU (M.)¸TURLIN (G.), Traité théorique et pratique du métayage ou bail à colonat
partiaire, éd. Arthur Rousseau, Paris, 1897, p. 5.
69. L'auteur continue en expliquant que « Selon les pays, la tenure prend le nom de bail à cens, bail
à rente, bail à champart, agrier, bordelage, emphytéose à perpétuité. Plus spécialement, on l'appelle
closerie dans l'Anjou et les provinces voisines ; gaignage ou gagnage en Lorraine ; grangeage dans la
Bresse, le Maçonnais, le Lyonnais, le Forez, le Vivarais et le Dauphiné ; fâcherie en Provence ; borderie

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