Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 126

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LA NOTION DE FRUITS : ÉTUDE DE DROIT PRIVÉ

définir la solution la plus adéquate, ce en quoi il est aidé par la proximité de ce
contrat avec le bail à ferme ou la société. Cependant, si on aborde ce contrat à travers la notion de fruits et sur son appropriation, la question est plus subversive
à l'égard du droit romain. En effet, le Code civil ayant consacré - comme nous le
verrons plus tard - l'accession comme mode d'appropriation des fruits, il dénie
à la separatio sa portée juridique, la réduisant à son seul aspect matériel. Or, nous
avons vu que le droit romain ne pouvait pas reconnaître l'accession comme mode
d'appropriation puisque l'élément de nouveauté excluait qu'il y ait un propriétaire
du bien accessoire à évincer84 et il n'y avait pas d'élément d'extranéité inhérente
à l'accession85. Ce glissement, nous le verrons, n'est pas sans incidence sur la façon
dont la notion et son régime sont appréhendés par les codificateurs mais également
par la doctrine qui fût amenée à composer avec ces approximations pour tenter de
rendre l'ensemble cohérent.
3. Le bail, un modèle en voie de développement
166. La généralisation du louage comme mode de gestion des biens. Si le
colonat fut repris et largement usité, ce dernier était fort mal jugé du fait de l'état
de servitude dont il était souvent synonyme sous l'Ancien régime. Les codificateurs ont donc, au-delà de cette reprise, proposé d'autres contrats permettant de
faire fructifier les biens. Même si le bail à rente et autres formes de concession de
l'usage des biens sont très répandus, le louage ou locatio de droit romain a vu sa
pratique renaître vers le XIIe siècle dans le Toulousain « spécialement pour permettre l'exploitation des fonds ruraux86 ». Le louage était déjà réapparu dans les
villes deux siècles plus tôt mais sur les immeubles en vue de l'habitation. Le Code
civil consacre l'existence de différents contrats de louage : le louage de choses et
le louage d'ouvrage. Au sein des contrats de louage portant sur les choses, il distingue le bail à loyer portant sur des maisons ou des meubles, le bail à ferme
portant sur des héritages ruraux et le bail à cheptel portant sur un troupeau87.
L'objet du contrat de louage est donc de conférer une certaine jouissance ou
usage de la chose louée sur une certaine durée. Si la nature de la jouissance est
exprimée dans le contrat, le preneur se doit de la respecter qu'elle lui confère le
simple usage, ou un droit de perception des fruits naturels et industriels voire des
fruits civils. C'est le propriétaire qui a défini les termes de la jouissance conférée
et le contrat qui fige la situation. Si le contrat est silencieux, la jouissance conférée n'est pas pour autant absolue et se voit aussi définie par le propriétaire. Cette
définition est alors, a priori, basée sur l'usage qui était fait du bien précédemment : la destination habituelle donnée à la chose antérieurement au bail va alors
déterminer les limites de la jouissance qui est conférée au locataire et permettre
au locateur d'empêcher ce dernier d'user et de jouir de la chose autrement. Lorsque la jouissance conférée est limitée à l'usage de la chose, le droit aux
fruits du locataire se résume aux fruits naturels voire industriels de la chose88. Sur
84. Le fruit étant une chose nouvelle vierge de tout droit antérieur indépendant et qui se trouvait
« couvert » par le droit de propriété portant sur le bien frugifère.
85. Pour rappel, l'accession était envisagée comme un moyen d'anéantir le droit de propriété
d'une personne sur un bien accessoire (car de moindre valeur le plus souvent) qui se serait uni à un
bien dit principal appartenant à une autre personne.
86. DEROUSSIN (D.), Histoire du droit des obligations, Economica, coll. Corpus Histoire du
droit, 2007, p. 257.
87. C. civ., art. 1708 et 1711.
88. Sauf convention contraire.

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