Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 212

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LA NOTION DE FRUITS : ÉTUDE DE DROIT PRIVÉ

efforts pour déterminer clairement l'assise de la notion de fruits, il ressort de cette
jurisprudence un sentiment d'instabilité qui s'avère insatisfaisant.
296. La soumission des bénéfices sociaux à  la qualification de fruits civils.
Lorsqu'est abordée la question de la qualification des bénéfices sociaux, on ne
manque jamais de citer l'arrêt du 21 octobre 1931, fondateur de la controverse,
rendu par la chambre civile de la Cour de cassation, qui énonce que « les bénéfices
des sociétés commerciales, dans la mesure où, d'après les statuts, ils doivent être
répartis périodiquement entre les ayant droits, participent de la nature des fruits
civils, auxquels il y a lieu de les assimiler195 en ce qu'ils sont réputés s'acquérir jour
par jour au cours de chaque exercice social196 ». C'est ainsi que la Cour de cassation, appliquant ici le principe d'acquisition au prorata temporis des fruits civils,
affirme alors que si une cession des droits sociaux intervient au cours d'un exercice, le cessionnaire n'acquiert les dividendes qu'à compter de son entrée en jouissance. Cette solution nouvelle fût réaffirmée une nouvelle fois, près de dix ans
plus tard, dans un attendu à peu près identique197. Ces deux arrêts se fondaient sur
les modalités d'acquisition des dividendes afin de les qualifier de fruits civils. En
effet, les bénéfices sociaux, étant quasi exclusivement monétaires, la Cour a voulu
leur appliquer le principe d'une acquisition au jour le jour comme c'est expressément le cas des fruits civils. Néanmoins, comme le souligne un auteur, « d'apparence claire, cette formulation, (...) portait les germes de la controverse doctrinale et
de l'inconstance jurisprudentielle ultérieures198 ». En effet, cette formulation n'est
pas si claire puisqu'elle n'affirme pas que les bénéfices des sociétés commerciales
soient des fruits civils, mais qu'ils doivent y être assimilés pour pouvoir bénéficier
de leur régime. Mais ce n'est pas là le seul problème que ces solutions soulèvent.
297. La qualification des bénéfices de fruits ab initio contestable199. L'autre problème soulevé par ces décisions est que « la confusion des dividendes et des bénéfices
est patente200 ». Il convient de souligner que bénéfices et dividendes ne peuvent pas
être envisagés d'un seul bloc, puisqu'ils ne sont pas appropriés par les mêmes personnes. En effet, le bénéfice peut se définir comme le résultat dégagé de l'exploitation
de l'actif social201. Comme le souligne le Professeur Revet, le bénéfice constitue « une
valeur nouvelle née de la mise en œuvre de moyens agencés en vue de la production de
biens ou de services. Ces biens et services sont les premières valeurs nouvelles de l'actif
social ; les sommes obtenues en contrepartie de leur commercialisation prennent, par
subrogation réelle, la place de ces valeurs nouvelles primaires202 ». Toutefois, ces
définition des fruits qui ne comprend que la périodicité et l'absence d'altération de la substance. Ainsi,
l'aléa de la réalisation de bénéfices distribuable et d'une décision de distribution ne semble pas faire
obstacle à la qualification de fruits civils.
195. Nous soulignons.
196. Cass.  1re  civ., 21  oct.  1931, CORDONNIER (P.), DP  1931. 1. 100 - BATIFFOL (H.),
S. 1933. 1. 137.
197. Cass. civ., 7 juill. 1941 commenté au D. 1941 p. 370.
198. AMER-YAHIA (A.), Le régime juridique des dividendes, préf.  A.  Couret, L'Harmattan,
Logiques juridiques, 2010, p. 47.
199. Ainsi, dès 1980, Monsieur Colomer exprime ce point de vue de façon très claire : « ce n'est
pas le bénéfice distribuable qui est fruit, c'est le bénéfice distribué ». COLOMER (A.), Réserves des
sociétés et régimes matrimoniaux communautaires, Defr. 1980, p. 1009.
200. ZÉNATI (F.), op. cit., n° 338.
201. Cass.  Req., 11  mars 1914, DP  1914. 1. 257, note L. S. ; LUCAS  (F.-X.), Théorie des
bénéfices et des pertes, J.-Cl. Stés. 2009, n° 4 s.
202. REVET (T.), Le bénéfice n'étant pas un fruit des parts sociales, quid à  l'égard de l'actif
social ?, RTD  civ.  2009 p.  348 (Cass.  com., 10  févr.  2009, n°  07-21.806). Sur cet arrêt, voir aussi
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