Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 35

INTRODUCTION

plus étroit entre le privé et le public. Ainsi, le droit des personnes publiques sur leur
domaine public doit être analysé en un droit de propriété106 même si c'est un droit
affecté de certains particularismes107. En effet, les personnes publiques bénéficient
de l'ensemble des prérogatives classiquement reconnues au propriétaire. La prérogative fondamentale du propriétaire, à savoir l'abusus, leur est ainsi reconnue sur
leurs biens relevant tant du domaine privé que du domaine public108, sous réserve
qu'elle ait pris une décision de déspécialisation109. En outre, elles ont l'usus de leurs
biens, ainsi que le fructus puisqu'elles peuvent tirer des revenus de ses biens. En
effet, les personnes publiques ont les mêmes pouvoirs que le propriétaire de droit
privé à l'égard des règles de l'accession et sont soumises à l'article 552 du Code
civil110. Le Conseil d'État a, très tôt, reconnu le droit pour la personne publique de
faire siens les fruits naturels qui naîtraient sur son domaine111.
31. Au-delà, qui rejetterait le droit aux fruits des personnes publiques et
notamment des fruits civils ? Si la question des fruits industriels se pose rarement
à l'égard des personnes publiques112 car elles concèdent, le plus souvent, les biens
qui nécessitent d'être exploités afin d'être frugifères, la question des fruits civils
est, en réalité, omniprésente. En effet, l'administration a le droit de percevoir les
loyers ou redevances113, pour la mise en location des biens de son domaine privé
au moyen de concessions114. Ces redevances sont, à l'instar du loyer perçu par une
personne privée, des fruits civils, sans qu'aucune autre précision n'ait à être don16 juillet 1909 où la haute juridiction considère que la ville de Paris était titulaire d'un vrai droit de
propriété ». Voir aussi : CE, 22 nov. 1901, Ville de Saint-Etienne - CE, 24 févr. 1911, Jacquemin - CE,
17 janv. 1923, Piccioli - CE, 17 mai 1946, Commune de Vieux-Boucau - CE, 17 mars 1967, Ranchon.
106. AUBY (J.-M.), BON (P.), AUBY (J.-B.), TERNEYRE (P.), Droit administratif des biens,
Dalloz, Précis, 7e éd., 2016, n° 28, p. 21. Ceci étant le régime de la domanialité publique est un système
original qui permet la superposition du droit de propriété (droit privé) et de ses règles spécifiques.
107. Sur ce point, voir : MOYSAN (H.), Le droit de propriété des personnes publiques, LGDJ,
Bibl. Dr. Public, 2001 - AUBY (J.-M.), BON (P.), AUBY (J.-B.), TERNEYRE (P.), ibid. : Les auteurs
soulignent que ces particularismes sont parfois difficilement compatibles avec la domanialité publique
et même dans certaines situations avec le domaine privé des personnes publiques. Ainsi, ils soulignent
que « l'incompatibilité est particulièrement marquée s'agissant de certains biens publics qui sont en vérité
des choses communes, des choses « qui n'appartiennent à personne » selon l'expression qu'emploie
l'article 714 du Code civil qui les évoque (...). Ces biens constituent plutôt un patrimoine collectif, et les
droits que les collectivités publiques exercent sur eux s'éloignent des standards du droit de propriété par
de nombreux aspects ».
108. Avec deux limites notables communes aux deux types de domaines : la première est que les
biens publics sont insaisissables (Cass. 1re civ., 21 déc. 1987 : PACTEAU (B.), RFDA 1988, p. 771
- RICHER (L.), CJEG 1988, p 107), et la seconde est que les biens publics ne sauraient être cédés en
dessous de leur valeur depuis une décision du Conseil constitutionnel qui considère que « la Constitution
s'oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des
personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur » (Cons. Constit.,
24-25 juin 1986 : RIVERO (J), AJDA 1990, p. 1010 - FAVOREU (L.), RDP 1989, p. 399).
109. CGPPP, art. L. 2141 s.
110. CE, 7 mai 1931, Lebon 1931, p. 491.
111. CE, 24 févr. 1911, Jacquemin.
112. Dans le cadre des SPIC, on a très tôt reconnu que ce sont les règles de droit privé qui avaient
vocation à s'appliquer.
113. Bien que la doctrine administrativiste rejette l'assimilation au prix d'un loyer, y préférant la
qualification de taxe assimilée aux contributions indirectes (GAUDEMET (Y.), op. cit., n° 393,
p. 197).
114. Les occupations privatives du domaine public « sont celles qui sont effectuées par des
personnes individuellement déterminés par un titre conféré par l'administration, ce titre leur donnant
droit d'occuper d'une manière privative une portion du domaine public » (AUBY (J.-M.), BON (P.),
AUBY (J.-B.), TERNEYRE (P.), op. cit., n° 173, p. 117).

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