Doctorat & Notariat - Tome 61 - Les libéralités à caractère collectif - 59

L'EXISTENCE DE LIBÉRALITÉS INTÉRESSÉES

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classique de la cause dans les libéralités pures et simples a laissé place en doctrine123, ainsi qu'en jurisprudence124, à une approche plus contemporaine125.
Aux termes de celle-ci, la cause de la libéralité doit être recherchée dans le
motif déterminant de la libéralité, perçu comme sa « cause impulsive et déterminante »126. Une approche unitaire de la cause est retenue indépendamment de
l'existence ou non de charges127. Simplement, il arrive que le motif déterminant
soit expressément érigé dans une obligation pesant sur le bénéficiaire. La clause,
qui impose cette obligation, est alors le vecteur permettant au disposant de réaliser son dessein128.
textes, d'anciens arrêts avaient considéré que la charge disqualifiait l'opération en acte à titre
onéreux permettant l'application de l'ancien article  1172 du Code civil (V. J.  Hamel, op.  cit.,
p. 140 et s.). Sur les raisons historiques d'une telle différence face aux craintes de voir ressurgir les
modèles de l'ancien régime combattus par la Révolution, V.  R.  Cassin, Droit civil approfondi et
comparé : les libéralités avec charge et les fondations, Paris, les Cours de droit, 1939, p. 367 et s. ;
J. Flour et H. Souleau, op. cit., n° 336, p. 214.
123. V. J. Hamel, op. cit., p. 5 ; G. Ripert, Répétitions écrites de droit civil approfondi et comparé :
la notion de libéralité, Paris, les Cours de droit, 1931, p. 170 ; M. Planiol et G. Ripert, op. cit., n° 264,
p. 362 ; J. Rochfeld, Cause et type de contrat, préf. J. Ghestin, Paris, LGDJ, 1999, coll. « Bibliothèque
de droit privé », t. 311, n° 289, p. 260 ; F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, op. cit., n° 343, p. 320.
124. V.  Req., 23  juin 1863, D.  1863, 1, p.  429 ; Civ., 7  juillet  1868, D.  1868, 1, p.  446 ; Req.,
31 octobre 1922, D. 1922, 1, p. 239. Des auteurs ont relevé que la jurisprudence était peu abondante
(V. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, op. cit., n° 343, p. 321).
125. Encore que celle-ci ne fasse pas l'unanimité. Il a été soutenu que la « cause impulsive et
déterminante » retenue par la jurisprudence « n'a rien de commun avec la cause juridique » et qu'il
s'agit en réalité d'une « cause psychologique » (V. E. Bartin, op. cit., n° 692, p. 175). Aussi a-t-il été
proposé de retenir au côté de la cause-intention libérale comme instrument de qualification et la
cause-mobile comme instrument de moralisation de l'acte juridique, une cause-condition vue comme
un instrument de protection du consentement du disposant.  Cette cause désignerait « alors les
conditions sine qua non de l'accord » (V. M. Grimaldi, op. cit., nos 1250 et s., p. 184 et s.).
126. Le lien entre les deux notions d'intention libérale et de cause a rapidement été fait : « et
voici que les raisons qui ont fait naître l'intention libérale en agissant sur la volonté du disposant
deviennent les causes de la libéralité » (V. J. Hamel, op. cit., p. 363). Dans le même sens, le projet
Terré consacre implicitement une acception dualiste de la cause des libéralités : « Il n'y a pas de
libéralité sans intention libérale. Les libéralités sont nulles, de nullité relative, en l'absence de motif
qui a déterminé leur auteur à disposer. » (V. F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des contrats :
réflexions et propositions d'un groupe de travail, Paris, Dalloz, 2009, coll. « Thèmes & commentaires :
actes », art. 63).
127. Un auteur a cherché à déterminer quels pouvaient être les contours du motif déterminant
des libéralités et donc de la cause de celles-ci (V. J. Rochfeld, Cause et type de contrat, préf. J. Ghestin,
Paris, LGDJ, 1999, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 311). Il y aurait lieu de distinguer entre les
libéralités pures et simples et les libéralités avec charges. La cause des premières serait à rechercher dans
une double contrepartie : relationnelle et non rationnelle. D'une part, si le lien relationnel ou l'intuitu
personæ constitue l'échange même procédant de la libéralité, la relation préexisterait à la libéralité.
L'auteur en conclut que « la libéralité intervient donc pour alimenter une relation et provoquer une
contrepartie relationnelle, en retour ». Ainsi, la libéralité s'inscrirait « dans une continuité, dans un
réseau de relations et de dettes réciproques et continues ». D'autre part, la contrepartie ne serait pas
rationnelle puisque le disposant « ignore objectivement la contrepartie qui va en être retirée ». Elle
serait imprévisible tant dans le temps que dans son contenu. Pour l'auteur, cet intérêt permet tant de
contrôler l'existence de la cause que sa licéité ou sa moralité (V. ibidem, nos 296 et s., p. 267 et s.). Au
contraire, cet auteur estime que l'étude de la cause dans les donations avec charge doit parfois se faire
au regard de la notion de cause dans les actes à titre onéreux. Chaque fois que la charge est vue comme
la cause impulsive et déterminante de la libéralité, le disposant poursuivrait en réalité un intérêt
rationnel, c'est-à-dire un intérêt raisonnable. Si l'acte n'est pas disqualifié en acte à titre onéreux, l'étude
de sa cause doit se faire à l'aune de celui-ci. Au contraire, toutes les fois dans lesquelles la charge n'est
pas érigée en cause impulsive et déterminante de la donation, on en revient à la thèse de l'intérêt
relationnel et non rationnel (V. ibid., nos 607 et s., p. 546 et s.).
128. V. J. Flour et H. Souleau, op. cit., n° 338, p. 216.
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