Doctorat & Notariat - Tome 63 - Étude comparative du rôle du juge dans l'interprétation des contrats - 149

LE JUGE FACE AUX DIFFICULTÉS DE L'INTERPRÉTATION SUBJECTIVE

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moment se résumant souvent à la signature des parties et à l'acceptation de toutes
les clauses du contrat, il semble difficile pour le juge de trouver par ce seul instant,
la volonté commune des parties, alors qu'elles-mêmes ont laissé cette ambiguïté
ou obscurité au sein de l'acte19. Le Code civil français s'efforce d'apporter d'autres
recettes au juge, dans la recherche de l'intention commune. Deux articles,
1163 et 1164 du Code civil, considérés comme le prolongement de la règle subjective principale20, viennent préciser la méthode et guider le juge lorsque les parties
ont donné aux stipulations contractuelles une portée extensive21, ou quand les
contractants ont illustré l'obligation d'un exemple précis22. Les deux articles
confirment l'aspect subjectif de la règle, en incitant le juge à ne pas se satisfaire de
l'apparence extensive ou restrictive de la règle, et de privilégier la volonté commune réelle. L'article 1156 pose donc le principe d'une interprétation subjective
des contrats, reposant sur la volonté psychologique des contractants23. Cette
interprétation est opposée traditionnellement à l'interprétation objective des
contrats, qui repose sur des éléments extérieurs à la volonté des parties, tels que la
19. C'est ici d'ailleurs le point essentiel du débat entre les partisans et détracteurs de
l'interprétation née du principe posé par l'article 1156 du Code civil. Pour certains auteurs, la volonté
commune, est inexistante au moment de la conclusion du contrat, et a fortiori lorsqu'il y a ambiguïté
ou lacune, puisque ici, il n'est pas possible de vérifier que les parties ont eu en vue la même obligation.
Aussi, pour certains auteurs, il n'est pas possible de retenir que cette intention commune dans
l'interprétation car « Bien souvent, cette volonté commune est, en effet, inexistante. En présence d'une
formule ambiguë, il est vraisemblable que chacune des parties lui a donné le sens qui lui est le plus
favorable. Les parties n'ont pas eu une intention commune mais des arrière-pensées différentes comme
le sont leurs intérêts. En présence d'une lacune, il est vain de rechercher la solution dans l'intention
commune des parties, car si cette difficulté avait été envisagée, chacune d'entre elles aurait essayé de la
résoudre dans le sens qui lui est le plus favorable. Parfois même, les parties n'ont pas soulevé le
problème délibérément, car sa prise en compte aurait risqué de mettre obstacle à la conclusion du
contrat.  C'est dire que la découverte de l'intention commune se ramène à la recherche divinatoire
d'une volonté hypothétique. » (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, op. cit., p. 412, n° 423).
20. Ces deux règles, bien qu'opposées dans le texte, sont souvent étudiées ensemble, parce que,
dans l'esprit, elles émanent du principe général de l'article 1156. V. en ce sens : Ph. Simler, Juriscl. civil,
v° art.  1156 à  1164, fasc.  10, 2001, n° 60 ; J. Ghestin, M. Billiau, Ch. Jamin, Les effets du contrat,
3e éd. LGDJ, 2001, n° 33, p. 48 ; J. Lopez Santa Maria, Les systèmes d'interprétation des contrats, th.
dactyl. Paris, 1968, p.  57 ; J. Boré, « Un centenaire : le contrôle par la Cour de cassation de la
dénaturation des actes », RTDCiv.  1972, n°  117. V. toutefois, B. Gelot, th.préc.  qui étudie ces deux
règles « répondant à un besoin diamétralement opposé » (n° 125) séparément, l'article 1163 étant une
règle servant l'équité (n° 468 et s.) et l'article  1164 participant, au même titre que l'article  1161, à
l'efficacité de l'acte interprété (n° 125 et s.). Cette idée est reprise dans d'autres articles ayant trait aux
contrats spéciaux. Il en est ainsi de l'article 1988 (« Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse
que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou d'hypothéquer, ou de quelque autre acte de
propriété, le mandat doit être exprès ») pour le contrat de mandat et des articles 2048 à 2051 (Plus
particulièrement l'article 2049 du code civil qui dispose : "Les transactions ne règlent que les différends
qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient exprimé leur intention par des expressions spéciales
ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé »)
pour les transactions.
21. Art. 1163 CC, v. en Annexe. H. Trofimoff, art. préc. p. 213, à propos de l'article 1163 : « ce
principe, application particulière (...) de l'article  1156 C.  civ., méritait d'être rappelé à cet endroit
puisqu'il précise jusqu'ou va la prédominance de l'intention sur l'expression quand l'acte comporte
des termes généraux non ambigus dont les parties n'ont cependant pas perçus toutes les implications ».
22. Art. 1164 CC. Cet article énonce le principe de l'interprétation « extensive ». V. en Annexe.
23. V. toutefois : J. Dupichot, op. cit. p. 193 qui analyse l'article 1156 comme « un texte à facettes
dont l'aspect objectif (la « commune intention » ne saurait s'entendre des mobiles ou motifs internes,
si malaisés à connaître et rarement communs) et déclaratoire (...) n'est pas négligeable ». En effet, on
peut se demander comment les termes « intention » qui est la volonté réelle des parties dont les intérêts
sont divergents et « commune » peuvent coexister pour donner au juge une directive d'interprétation
uniquement subjective.
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