Doctorat & Notariat - Tome 63 - Étude comparative du rôle du juge dans l'interprétation des contrats - 232

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ÉTUDE COMPARATIVE DU RÔLE DU JUGE DANS L'INTERPRÉTATION DES CONTRATS

fondation, où seule la volonté réelle du déclarant est prise en compte72. Afin de
déterminer le sens de la déclaration, en cas de réception, seul cas qui nous intéresse
ici, le juge est donc confronté au choix entre trois sens possibles : le sens voulu par
le déclarant, le sens compris par le destinataire et le sens déclaré, sens « que le destinataire doit donner à la déclaration en l'interprétant diligemment, en tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes qu'il connaît ou doit connaître »73.
270. Principe de la confiance et interprétation des contrats. L'interprétation
des contrats étant envisagée, comme l'interprétation de deux manifestations de
volonté qui se sont rencontrées74, le juge qui ne peut dégager la volonté réelle des
parties, a recours au principe de la confiance fondé sur la bonne foi objective75.
Concrètement, le juge se substitue aux parties et détermine le sens du contrat
d'après le devoir de bonne foi, en prenant notamment en compte les circonstances
et les usages qui s'appliquent à cette relation76. Pour cela, le juge doit se placer au
moment de la conclusion du contrat et se demander ce qu'aurait compris une
personne raisonnable et honnête dans les mêmes circonstances77. C'est alors la
concordance que le juge recherche à travers cette interprétation, les parties doivent
s'être entendues de manière concordante, même si elles n'ont pas eu la même
compréhension du contrat. Si la notion de bonne foi est un guide pour le juge
dans l'interprétation, nous remarquons que celle-ci est appréciée, comme en droit
allemand, en fonction du destinataire de la déclaration et que la bonne foi est un
critère parmi d'autres, d'une interprétation normative basée sur l'homme raisonnable78. Sous le prisme du principe de la confiance, la coloration donnée à la
bonne foi, dans l'interprétation des contrats en droit suisse, est différente de celle
du droit français.
72. Nous remarquons ici l'influence du système germanique sur le droit suisse, car en cas de
conflit entre la volonté réelle et déclarée, c'est la seconde qui est privilégiée par le juge, ceci a notamment
été mis en évidence et critiqué par P. Piotet dans son ouvrage : La formation du contrat en doctrine
générale et en droit suisse, éd. Staempfli, Berne, 1956, spéc. pp. 47 et s.
73. P. Piotet, op. cit., p. 691.
74. Il y a donc toujours réception en cas de contrat unilatéral et réceptions croisées pour les
contrats synallagmatiques.
75. Ainsi que le relèvent la doctrine, v. not. P. Engel, op. cit. p. 239 pour qui le principe de la
confiance « n'intervient pas seulement pour déterminer si et dans quelle mesure l'apparence créée par
une partie (ou à elle imputable) est efficace au point de valoir comme déclaration de volonté quand
bien même l'auteur n'aurait manifesté aucune volonté (...), mais aussi pour dégager le sens du contenu
d'une déclaration de volonté » ; P. Tercier, op. cit. n° 853 et s.
76. C'est pourquoi bonne foi et usages sont intimement liés tout comme en droit allemand, v. les
§§  157 et  242. La méthode suivie par le juge en la matière se confond avec l'approche contextuelle
(v. supra n° 232), ce qui rend difficile la distinction entre la recherche de volontés hypothétiques et celle
reposant sur la bonne foi, toutes deux étant régies par le principe de la confiance, même si le
raisonnement basé sur la bonne foi semble purement objectif, le juge ne pouvant, par exemple, prendre
en compte les comportements postérieurs.
77. V. P. Tercier, op. cit. n° 854 ; P. Engel, "Le point sur...", RJS 103 (2007), p. 205. Et les arrêts :
ATF 129 III p. 123, consid. 3.2 ; ATF 130 III p. 424, consid. 3.2 ; ATF 131 III p. 611 consid. 4.1 et 4.2.
78. Le raisonnement interprétatif du juge demeure cependant mêlé d'objectivisme et de
subjectivisme puisqu'il s'attache à vérifier que le destinataire pouvait, de bonne foi, faire l'interprétation
qu'il allègue (c'est l'aspect subjectif) et si l'interprétation réclamée par le destinataire correspond à la
compréhension objective de la bonne foi. V. en ce sens, L. Thévennoz, F. Werro (Ed.), Commentaire
romand, Code des obligations I, Helbing & Lichtenhahn, 2003, n° 134 et s. V. not., en jurisprudence :
ATF 123 III p. 35, consid. 2b ; JdT 1997, I, p. 322, consid. 2b. Le TF considère que si les parties ont
compris la même chose mais ne se sont pas entendues, il y a désaccord PATENT et donc pas de
contrat ; alors que même si elles n'ont pas eu la même compréhension mais qu'il y a accord et
concordance, il y a désaccord LATENT et le contrat est conclu (nous soulignons).
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