Expertise Notariale - Les baux commerciaux - 5e - 181

LA DURÉE DU BAIL COMMERCIAL 181

de dix ans (acte de commerce ou acte mixte), ou de trente ans (acte civil
pour les deux parties) avant la loi du 17 juin 2008, de cinq ans depuis
(C. civ., art. 2224 nouveau). Au passif, en revanche, le bailleur risque de se
heurter au pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond quant à la
gravité des fautes commises, la résolution judiciaire n'étant pas de droit,
même en présence de fautes du débiteur155, le nouveau régime subordonnant la résolution judiciaire à une « inexécution suffisamment grave ». Il
s'agit là, d'ailleurs, de la différence classique mais toujours actuelle entre
l'automaticité des clauses résolutoires de plein droit et l'absence d'automaticité de la résolution judiciaire. Les fautes visées doivent être également
relatives au bail en cours, et non antérieures à son renouvellement156. Le
bailleur aura donc tendance à recourir à la résolution judiciaire soit lorsque
la gravité du manquement est certaine (non-respect de l'obligation de paiement des loyers, qui constitue l'obligation essentielle du locataire, violation
d'une formalité substantielle, telle la notification préalable prévue par la loi
du 1er juillet 1964 dans le secteur hôtelier, le bailleur pouvant se prévaloir
de son omission pour obtenir la résolution du bail aux torts du
locataire)157, soit lorsque la mise en œuvre de la clause résolutoire est prescrite à cause de l'article L. 145-60 du Code de commerce. Enfin, il importe
de souligner que le défaut d'immatriculation du preneur en cours de bail
n'est pas une faute permettant au bailleur de demander la résolution du
bail158. Au contraire, sur l'importance de l'immatriculation du preneur à la date
de notification du congé, v. infra, no 313.

155. V. Cass. 1re civ., 15 juill. 1999, Bull. civ. I, nº 245 ; Paris, 15 mai 2002, D. 2002, AJ, p. 2605 obs.
E. Chevrier : la cession du fonds de commerce sans l'agrément du bailleur n'est pas une
faute d'une suffisante gravité pour justifier le prononcé de la « résiliation » judiciaire du
bail, d'autant plus que la faute avait été réparée sans dommage pour le bailleur, car le cédant
était garant solidaire du cessionnaire envers le bailleur pour le paiement des loyers. En revanche, le défaut d'assurance des locaux, en violation des clauses du bail, constitue une faute
d'une gravité suffisante ; v. Cass. 3e civ., 4 mai 1994, Bull. civ. III, nº 84. Et le bailleur créancier,
demandeur à la résolution, supporte la preuve de l'inexécution, par application de l'article 1315 du Code civil (devenu art. 1353) ; sur l'analyse de la jurisprudence,
v. M. BUCHBERGER, « Le rôle de l'article 1315 du Code civil en cas d'inexécution d'un contrat »,
D. 2011, p. 465.
156. Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, nº 16-29054, FD, Defrénois 2018, nº 7, p. 8. La raison est la suivante : si
le bailleur ne répond pas dans le délai de trois mois, à la suite de la demande de renouvellement du preneur, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement au terme dudit
délai. En pareil cas, le bailleur est donc privé du droit d'invoquer, notamment dans le cadre
d'une action en résiliation judiciaire, les manquements antérieurs du locataire.
157. V. Cass. 3e civ., 10 juill. 1996, RJDA 1996, no 1299 ; sur cette question, v. infra, no 364.
158. V. par exemple Cass. 3e civ., 15 mai 1996, Bull. civ. III, no 114, D. 1996, IR, p. 145 ; Cass. 3e civ.,
1er oct. 1997, Bull. civ. III, no 179, D. aff. 1997, p. 1277, Rev. huissiers 1998, p. 217, note
G. TEILLIAIS.
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