Doctorat & Notariat - Tome 64 - L'ordre public et le droit patrimonial de la famille - 257

LES DROITS INDIVIDUELS DANS L'ORGANISATION CONJUGALE

233

Cependant, il semble de plus en plus difficile de justifier que la protection du
logement soit, à quelques exceptions, l'apanage des seuls époux : le « droit au
logement » aspire certainement à transcender les différents modes de conjugalité.
Par conséquent, on peut sans doute imaginer qu'il encouragera le législateur à
assurer une meilleure protection du logement dans le pacs. Il appartiendra bien
sûr à la représentation nationale d'en déterminer les modalités et l'étendue, mais
comment ne pas songer à exiger le consentement des deux partenaires pour « disposer » du logement de la famille, ou de faire bénéficier, à titre impératif, le survivant d'un droit temporaire au logement ?245 Si le législateur franchit ce premier
pas, peut-être sera-t-il tenté de continuer à avancer dans cette direction et de
reconnaître une protection minimale du logement de la famille aux concubins. Au
fond, il s'agirait moins d'une véritable révolution, que de consacrer une simple
évolution. En effet, le logement des partenaires ou des concubins est, le plus souvent, sous le régime de l'indivision, ce qui permet de relativiser la portée de ces
propositions. De plus, ces réformes s'inscriraient dans le mouvement de consécration du droit au logement. 
Finalement, le paysage conjugal est loin d'être définitivement fixé. Le droit
patrimonial de la famille est, comme le reste du droit civil, dans une phase de
transition246 et il paraît probable, et sans doute souhaitable, que l'on constate prochainement une convergence vers un « droit commun du logement familial »247.
D'autant qu'il est possible de tirer quelques leçons du droit comparé248.
217.  La protection du logement familial en droit comparé (Belgique, Suisse et
Québec) - Le droit belge, par exemple, consacre une « cohabitation légale »249. Les
dispositions patrimoniales sont ici particulièrement plus étoffées qu'en France : à
une contribution aux charges et à une solidarité de certaines dettes, la déclaration
de cohabitation légale ajoute, à titre impératif250, une protection du logement251.
245. F. Bellivier et J. Rochfeld, « Droit successoral -  Conjoint survivant  - Enfant adultérin »,
RTD civ. 2002, p. 156. Ces auteurs voyaient dans la loi du 3 décembre 2001 une « loi d'anticipation »
emprunte d'une « logique d'extension » qui « conduirait à ne pas s'arrêter en chemin, c'est-à-dire à
accorder au concubin, voire au pacsé, les droits aujourd'hui reconnu au conjoint survivant ».
246. C'est en ce sens que concluait un éminent auteur (M. Nicod, « Vingt ans d'évolution de la
législation applicable aux successions et aux libéralités », Dr. fam. 2016, dossier 53), à l'issue d'une
rétrospective, sur deux décennies, de l'évolution du droit des libéralités et des successions : « On ne
doit jamais perdre de vue que le droit positif n'est qu'une phase transitoire, destinée, tôt ou tard, à
relever de l'histoire du droit » (spéc. n° 14).
247. A. Tisserand-Martin, « La protection légale du logement familial : modèle pour un droit
commun des couples ? », in De code en code. Mélanges en l'honneur du Doyen Georges Wiederkehr,
Dalloz, 2009, p. 829 (« Parce qu'elle repose principalement sur la valeur fonctionnelle d'un bien en
considération de sa destination familiale, une protection légale du logement devrait être organisée au
profit de toutes les familles, l'importance du logement étant identique, que la famille soit ou non
fondée sur le mariage. (...) La protection du logement familial devrait être l'élément central d'un
nouvel ordre public familial, commun à toutes les familles »).
248. S. Castagné, « Mariage, pacs, concubinage : analyse comparative », JCP N 2008, n° 46, 1325.
249. C.  civ.  belge, art.  1475 et s. V. not.  B. Delahaye, F. Tainmont et V. Lève-Dessard, La
cohabitation légale, Bruxelles : Larcier, 2013 ; Y.-H. Leleu, Droit patrimonial des couples, Bruxelles :
Larcier, 2015, coll. Faculté de droit de l'université de Liège.
250. C.  civ.  belge, art.  1477, §  1er :  « Les dispositions du présent article qui règlent les droits,
obligations et pouvoirs des cohabitant légaux sont applicables par le seul fait de la cohabitation légale »
(nous soulignons). Ces dispositions sont impératives en droit belge qui distingue trois degrés dans la
loi : supplétive, impérative ou d'ordre public.
251. C. civ. belge, art. 1477, § 2 : « Les articles 215, 220, § 1er, et 224, § 1er, 1, s'appliquent par
analogie à la cohabitation légale. Sur l'ensemble : J. Fonteyn, « Les statuts du couple : quel rôle pour

978-2-85623-384-9__DOCFILE__corpus.indd 233

19/05/2020 10:20:13
Doctorat & Notariat - Tome 64 - L'ordre public et le droit patrimonial de la famille

Table des matières de la publication Doctorat & Notariat - Tome 64 - L'ordre public et le droit patrimonial de la famille
