Doctorat & Notariat - Tome 65 - Les combinaisons de droits réels - 135

Indivision en jouissance

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pouvait commander son maintien puisqu'elle était déjà limitée par la concurrence
des prérogatives du titulaire avec celles du plein propriétaire. En permettant un
partage en jouissance, les Hauts magistrats assurèrent paradoxalement davantage
la vocation du droit d'usage en permettant à son titulaire de pouvoir l'exercer
privativement sur des biens déterminés. La difficulté demeure cependant si le partage ne peut être réalisé en nature. En effet, si l'assiette du droit d'usage et
d'-habitation ne comporte qu'un seul immeuble ne permettant aucune répartition
spatiale de la jouissance en son sein, il est alors impossible de « concilier les besoins
personnels divergents des membres du couple séparés »197, ce qui nécessite alors la
licitation de la jouissance.
143. Attribution préférentielle. Article 833 du Code civil. À ces problèmes
s'ajoute une dernière difficulté qui a trait à l'impossibilité, pour un indivisaire en
usufruit, de pouvoir bénéficier d'une attribution préférentielle en jouissance lors
de la réalisation du partage. En effet, l'article 833 alinéa 1er du Code civil reconnaît le bénéfice de cette attribution préférentielle aux seuls « conjoints ou héritiers
appelés à succéder en vertu de la loi, qu'il soit copropriétaire en pleine propriété ou
en nue-propriété ». Si cette liste n'exclut pas véritablement les usufruitiers du
mécanisme, le conjoint ou les héritiers pouvant en avoir la qualité, elle semble
pourtant ne reconnaître que les attributions préférentielles en propriété. Par
exemple, un propriétaire peut librement demander, contre l'usufruitier universel,
l'attribution préférentielle d'un bien constituant la masse indivise198. Et c'est dans
cette stricte perspective que les juges ont interprété ledit article en refusant de
reconnaitre, par exemple, à un conjoint survivant simplement usufruitier la possibilité de bénéficier d'une attribution préférentielle en usufruit d'un local qui lui
servait d'habitation199.
À la réflexion, une telle impossibilité paraît difficilement explicable. Certes,
l'article 833 prévoyant seulement l'attribution préférentielle en propriété semble
exclure la possibilité d'une attribution en jouissance. Mais une telle interprétation
littérale est un argument faible. Premièrement parce qu'il ne détermine pas avec
certitude le caractère exclusif du texte : le fait qu'il ne mentionne que les
-copropriétaires en nue et pleine propriété ne signifie pas obligatoirement que le
législateur ait entendu exclure la possibilité d'une attribution préférentielle en
jouissance. Attribution qui pourrait, par ailleurs, parfaitement se concilier avec
une attribution préférentielle en propriété ; les bénéficiaires étant différents. Deuxièmement, parce que l'attribution préférentielle fut déjà admise par le passé
(l'ancien article 761 alinéa 2 prévoyait ainsi la possibilité d'une attribution préférentielle en usufruit bénéficiant au conjoint survivant en présence d'un enfant
adultérin200) et demeure, aujourd'hui encore, à l'article 832-2 sous la forme d'une
concession d'un bail à long terme au conjoint survivant ou à tout héritier copropriétaire à défaut d'une attribution préférentielle ordinaire en propriété201. Aucun
obstacle théorique n'apparaît donc à la reconnaissance d'une attribution préférentielle en jouissance au bénéfice des indivisaires en usufruit202. Du reste, une
197. F.-X. AGOSTINI, « Indivision de droits réels démembrés et portée du droit au partage »,
L'essentiel de dr. immo., 2016, n° 9, p. 6.
198. Cass. 1re civ., 10 juillet 2013, n° 12-16.698, inédit.
199. Cass. 1re civ., 10 mai 1966, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 1966, p. 467, note A. B.
200. Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001.
201. C. BRENNER, « Partage », Rép. civ., avril 2015, n° 265.
202. F. DELHAY, « Indivision et usufruit », précité, p. 232-234.

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