Doctorat & Notariat - Tome 65 - Les combinaisons de droits réels - 143

Indivision en jouissance

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siette de la délivrance, lorsqu'elle est exercée par un nu-propriétaire, débiteur de
l'usufruitier252. Ce faisant, elle explique également l'identité de nature entre le nu
et le plein propriétaire : ils sont tous deux propriétaires, les premiers étant simplement débiteurs vis-à-vis de tiers, et donc en indivision sur la propriété.
151.  Limites de la thèse néo-personnaliste. Certes séduisante, cette vision des
choses comporte toutefois quelques faiblesses. Tout d'abord, si elle correspond à la
jurisprudence relative à la licitation de la pleine propriété antérieure à la réforme de
1976 et s'accorde avec l'article 815-5 alinéa 2 dans sa version issue de cette même
réforme253, il n'est pas certain que sa force explicative soit, aujourd'hui, toujours
aussi puissante. En effet, en interdisant désormais au nu-propriétaire de réaliser le
partage de la pleine propriété contre la volonté de l'usufruitier, le droit actuel semble
démentir la possibilité de la demande en fixation de l'assiette de la délivrance par le
débiteur254. Seul l'indivisaire en jouissance conserverait donc la possibilité de
demander la délivrance de son droit, ce qui limite fortement la portée de cette obligation. Plus fondamentalement, ensuite, si une telle théorisation explique excellemment la nature du partage en jouissance, elle demeure entièrement silencieuse quant
à la vie de l'indivision et aux droits de l'usufruitier partiaire et du plein propriétaire
qui se trouvent, de facto, en concours selon la jurisprudence constante de la Cour de
cassation255. À suivre le présupposé néo-personnaliste jusqu'au bout, il n'y aurait
donc aucune situation de concours entre les pouvoirs de l'usufruitier partiaire et
ceux du plein propriétaire sur le ou les biens indivis. S'agissant d'un faux problème,
l'ensemble des décisions sur le sujet revêtiraient ainsi, au-delà même de la fiction, un
caractère illusoire puisque traitant de situations censées ne pas exister. Une telle
observation atteint, in fine, le principal écueil de cette conceptualisation : celui de
considérer qu'il n'existe d'indivision qu'entre droits de nature identique. En refusant ainsi de voir que des conflits de pouvoirs entre usufruitiers et pleins propriétaires partiaires existent et ont pour origine leur exercice concurrent sur une même
assiette, la définition obligationnelle de l'usufruit perd en pertinence.
152. Thèse néo-classique : l'usufruit comme propriété temporaire. D'autres
auteurs256, en particulier Monsieur Dross, proposent une rénovation de la définition de l'usufruit permettant de maintenir la définition stricte de l'indivision
comme un concours de droits de même nature tout en reconnaissant l'existence
des indivisions en jouissance. Prenant à contre-pied les théories néo-personnalistes postulant une différence de nature entre les droits d'usufruit et de propriété,
ces auteurs affirment le caractère identique des droits en présence, non pas en ce
qu'ils sont tous des droits réels comme l'affirme la théorie classique, mais en ce
252. F. ZENATI, « Licitation en pleine propriété d'une indivision complexe », RTD civ., 1990,
p. 523
253. Madame Barbier, expliquait ainsi, au sujet de la réforme de 1976 et de l'arrêt du 11 mai
1982 : « Et si on néglige cette obligation [de délivrance], il est difficile d'expliquer comment un usufruitier
universel dont l'assiette du droit semble clairement définie (universalité de biens) doive subir le contrecoup
de l'indétermination de l'assiette du droit des " nus propriétaires " . » F. BARBIER, Nature juridique de
l'usufruit, précité, p. 244.
254. Avec toutes les réserves qu'impliquent les incertitudes et les divergences d'interprétation en
la matière. Cf. supra n° 116 et s.
255. Cf. supra n° 98 et s.
256. J.  AULAGNIER, « Le démembrement de propriété : 20 ans d'évolution », Droit et
Patrimoine, n°  167, 2008, p.  46 et s. ; P.  KOURALEVA, « L'usufruit, démembrement du droit de
propriété ? », LPA, 2009, n° 122, p. 6 ; F. PLANCKEEL, « La combinaison de l'usufruit et du bail,
éléments pour une nouvelle théorie des biens », RTD civ., 2009, p. 639.

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