Doctorat & Notariat - Tome 65 - Les combinaisons de droits réels - 303

Combinaisons entre droits réels de jouissance et servitudes

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dérer favorablement l'établissement de servitudes entre les différentes parties d'un
même immeuble, détenu par une même personne, lorsque certaines d'entre-elles
sont grevées d'un droit réel de jouissance46.
L'intérêt d'une telle possibilité est toutefois sujet à caution. Ainsi, l'attributaire en jouissance d'une partie restreinte d'un immeuble souhaitant bénéficier
d'utilités en dehors de l'assiette de son droit pourrait parfaitement se voir reconnaître un droit d'usage personnel en accord avec le propriétaire de l'immeuble.
L'établissement d'une servitude est alors inutile en plus de cesser inévitablement à
l'arrivée du terme du droit réel de jouissance à cause de la reconstitution de la
pleine propriété47. Enfin, au-delà de son caractère manifestement contra legem48,
une telle proposition revient conceptuellement à découpler la servitude de la propriété et admettre qu'un droit réel de jouissance puisse bénéficier ou être grevé
d'une servitude ; ce qui est pour le moins délicat49. En effet, les servitudes sont des
techniques de répartition des utilités au bénéfice d'une propriété et non d'un droit
de jouissance. Or, si plusieurs fonds peuvent éventuellement être déterminés au
sein d'un même immeuble appartenant au(x) propriétaire(s), c'est parce qu'ils se
confondent nécessairement avec les droits de jouissance dont ils constituent l'assiette. Or, comme le démontre l'étude des juxtapositions de droits, les servitudes
et les droits réels de jouissance ne peuvent se superposer les uns aux autres50. Cela
disqualifie théoriquement la reconnaissance d'une dualité de fonds au sein d'un
immeuble appartenant au même propriétaire et dont certaines parties se trouvent
grevées d'un droit réel de jouissance. Pour toutes ces raisons, il est donc préférable
que la reconnaissance de servitudes entre différents fonds appartenant au(x)
même(s) propriétaire(s), lorsque l'un d'eux est grevé d'un droit réel de jouissance,
46. « Il y a d'abord un immeuble unique, appartenant à un seul propriétaire. Puis survient la
constitution d'usufruit sur une partie du fonds. Si l'on admet que la règle nemini res sua servit ne met pas
obstacle au maintien d'une servitude préexistante lorsque le propriétaire du fonds servant est en même
temps propriétaire du fonds dominant, pourquoi en irait-il autrement lorsqu'il s'agit de l'établissement
d'une servitude ? Dans un cas comme dans l'autre il est possible de distinguer un fonds dominant et un
fonds servant qui n'appartiennent pas intégralement au même propriétaire. Cette solution aurait le mérite
de donner des règles fermes gouvernant les rapports de voisinage pour les cas où la convention des parties
n'aurait pas aménagé la situation. », G.G, note ss CA Paris, 4 juin 1970, JCP N., 1970, II, 16497 ;
Monsieur Dross souhaite, par ailleurs, étendre cette analyse à l'ensemble des droits réels : « [...] une
servitude devrait pouvoir être créée au profit d'un fonds identiquement approprié sitôt qu'il est grevé d'une
hypothèque. Le créancier y trouve en effet avantage dès l'instant qu'en cas de licitation du bien hypothéqué,
cette licitation s'étendra à l'utilité érigée en servitude et que le prix obtenu en sera accru d'autant. »,
W. DROSS, Droit civil, Les choses, précité, p. 710, n° 383-3.
47. W. DROSS, loc. cit. Malgré tout, l'intérêt des servitudes en la matière pourrait se révéler dans
les cas où l'attributaire en jouissance concède son droit à un preneur à bail. Ce dernier, tiers au contrat
d'usage, ne pourrait alors se prévaloir du surcroît d'utilités offert. De la même manière, en l'absence
de servitudes, les attributaires en jouissance des autres parties de l'immeuble (au titre de droits réels ou
personnels) ne se trouveraient pas contraints de respecter l'accord passé entre l'attributaire et le
propriétaire.
48. Relativement à la définition des servitudes du fait de l'Homme inscrite à l'article 686 du
Code civil.
49. En cela, la situation est très différente de celle résultant de la constitution d'une servitude par
un usufruitier au bénéfice ou à la charge du fonds dont il profite (cf. supra n° 181). Dans une telle
situation, en effet, la servitude s'établit entre deux fonds appartenant à des propriétaires distincts. De
plus, la servitude ainsi constituée est temporaire puisqu'elle ne peut dépasser la durée de l'usufruit en
application du principe nemo plus juris... Or, le caractère temporaire de la servitude l'identifie
parfaitement à un droit réel de jouissance. Il n'y a donc ni atteinte au droit du nu-propriétaire, ni au
caractère foncier des servitudes.
50. Cf. supra n° 328 et s.

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