Doctorat & Notariat - Tome 66 - Le droit patrimonial des couples et la liquidation des opérations non dénouées - 322

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LE DROIT PATRIMONIAL DES COUPLES
ET LA LIQUIDATION DES OPÉRATIONS NON DÉNOUÉES
actualiser la valeur dans le régime de la participation aux acquêts143
. Dans l'ensemble
de ces hypothèses, il s'agit bien d'arrêter le fait générateur d'une créance ou
d'une indemnité à une date antérieure à celle de son évaluation. Par son fonctionnement,
le mécanisme de cristallisation en deux temps de l'existence et de la valeur
des opérations non dénouées est ainsi très similaire à ces autres mécanismes d'évaluation
que connaît le droit positif, sans pour autant leur être totalement assimilable.
La mise en place de ce mécanisme n'opèrerait dès lors aucun bouleversement
profond des techniques liquidatives utilisées par le notariat. Les magistrats pourraient
le consacrer en modifiant l'attendu de la jurisprudence initiée par l'arrêt
Praslicka en précisant qu'il « doit être tenu compte dans les opérations de partage de
la valeur du contrat au jour le plus proche du partage, ou à défaut au jour du dénouement
s'il lui est antérieur »144
. Mais serait-il possible d'adopter cette solution sans
revirement jurisprudentiel ou réforme de la législation ?
462. Recherche d'un fondement technique permettant le recours à la cristallisation
en deux temps. L'ensemble des mécanismes d'évaluation valoristes, qui
s'apparentent à la cristallisation en deux temps de l'existence et de la valeur de
l'opération non dénouée, repose sur des textes. De lege lata, en l'absence de fondement
textuel, le mécanisme de la double cristallisation pourrait-il pour autant
être adopté par les anciens époux ? Il semble qu'une réponse positive doive être
apportée à cette question. Le partage de l'indivision post-communautaire est une
convention laissant une certaine marge de manœuvre aux parties. De plus, la
jurisprudence initiée par l'arrêt Praslicka ne doit pas être considérée comme étant
d'ordre public145
. Il semble alors parfaitement admissible d'y déroger partiellement
en dissociant la date de fixation définitive de l'existence de la créance, de
celle de sa valorisation.
Pour parvenir à cette solution, il faut raisonner en deux temps. Premièrement,
la cristallisation de l'existence de la créance issue des opérations non dénouées
résulte de la jurisprudence qui consacre l'existence de cette dernière dans les opérations
d'investissement en cours au jour de la dissolution du régime matrimonial.
Les parties à l'acte de partage en fixant l'existence de la créance au jour de la dissolution,
ne font ainsi que suivre les préconisations de la jurisprudence de la Cour
143. Le régime de la participation aux acquêts prévoit des mécanismes de réactualisation de la
valeur des biens (v. art. 1574 C.civ). Cependant, la référence à l'état du bien au jour de la dissolution
ne permettait pas de cristalliser son existence. La sanction des aliénations frauduleuse ou des donations
de biens « acquêts » s'apparente cependant un peu à la cristallisation en deux temps. Elle conduit à
reconnaître d'abord le fait générateur (moment de l'aliénation ou de la donation) puis à évaluer la
valeur dans un second temps.
144. Les termes originaux de l'arrêt Praslicka : « Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir
retenu que les primes de cette assurance en cas de vie du souscripteur avaient été payées avec des fonds
communs jusqu'à la dissolution de la communauté, si bien que la valeur de la police faisait partie de l'actif
de celle-ci, et avoir constaté que M. X... avait reçu le capital prévu au contrat après la dissolution, ce qui
établissait que les droits nés de ce contrat lui avaient été attribués, de sorte qu'il devait être tenu compte
dans les opérations de partage de la valeur du contrat au jour de la dissolution de la communauté, la cour
d'appel a violé les textes susvisés ».
145. Les auteurs et les praticiens ont d'ailleurs inventé des moyens de contournement de la
solution issue de la jurisprudence Praslicka par des clauses insérées dans les conventions de mariage
telles que la clause de préciput. V. not. : A. Trescases, Assurances et droit des régimes matrimoniaux,
Defrénois 2007 n° 546, p. 363 ; R. Riche « Assurance-vie, un préciput sinon rien ! », Revue Fisc. du
Patr. n° 9, septembre 2010, étude 11 ; S. Convers, « Contrats d'assurance vie non dénoués et
communauté : optimisation », JCP N 2010, 1384 ; 106e Congrès des Notaires de France, Couples,
patrimoine : les défis de la vie à 2, préc., 4e
Commission, n° 4292 p. 1064.

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