58 LE DROIT PATRIMONIAL DES COUPLES ET LA LIQUIDATION DES OPÉRATIONS NON DÉNOUÉES La prise en compte d'une créance commune peut premièrement apparaître comme une alternative à la théorie des récompenses. L'existence d'une créance ne pourrait ainsi être reconnue que lorsque la communauté s'est appauvrie afin de « compenser » l'utilisation des deniers communs128 . Le terme « compensation » n'est pas ici entendu dans son sens technique résultant des dispositions des articles 1347 et suivants du Code civil, mais pour désigner la correction des transferts de valeurs. En intégrant une créance dans la communauté, le juge vient ainsi rétablir l'équilibre en neutralisant l'avantage procuré au patrimoine propre par l'opération non dénouée129 . Cette vision conduit cependant à n'étendre le raisonnement jurisprudentiel qu'aux opérations qui auront fait l'objet d'un financement par la communauté. Deuxièmement, cet accroissement de l'attraction communautaire aux créances issues des opérations non dénouées peut faire l'objet d'une lecture moins restrictive. La créance dispose d'une valeur patrimoniale. Elle est un bien. Or, le régime de communauté a vocation à appréhender les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage, il devrait donc nécessairement exercer son attraction sur les créances issues des opérations non dénouées. Une telle vision permettrait ainsi d'étendre les solutions jurisprudentielles aux cas de la promesse unilatérale et des stock-options dans lesquels la communauté ne s'est pas nécessairement appauvrie, mais dans lesquels l'époux dispose néanmoins d'une créance qui n'est pas dépourvue d'une valeur patrimoniale. 89. Plan. Présentée le plus souvent comme une simple alternative à la théorie des récompenses dont elle pallierait l'inapplicabilité (§ 1), la jurisprudence relative aux opérations non dénouées pourrait en réalité traduire plus largement l'attraction du régime de biens sur les créances issues de ces opérations (§ 2). § i. Le Fondement doctRinAL cLAssique de LA comPensAtion des tRAnsFeRts de vALeuR 90. Plan. L'intégration d'une créance dans la masse commune apparaît pour la plupart des auteurs comme un palliatif à l'inapplicabilité du mécanisme des récompenses. Le transfert de valeur est ainsi compensé par une mutualisation du bénéfice résultant de l'opération non dénouée (A). Cette conception nécessite cependant un appauvrissement de la masse commune et induit donc une extension limitée de ce raisonnement aux autres opérations non dénouées ainsi qu'aux autres régimes de biens (B). A. LE POINT DE DÉPART DU RAISONNEMENT : L'ABSENCE DE RÉCOMPENSE 91. Difficulté d'application de la théorie des récompenses. L'incertitude et la dimension temporelle marquant les opérations non dénouées viennent perturber les mécanismes habituels de correction des déséquilibres entre les différentes masses de biens du couple que sont la théorie des récompenses et des créances 128. A.-M. Lavillaine Juliet prec. 129. Sur la notion de compensation patrimoniale v. A. Moliere op. cit. n° 39, p. 40 : l'auteur qualifie la compensation patrimoniale de « transfert de valeur neutralisant ».