Guide Pratique - Les nullités de procédure pénale - 2e - 203

LA GARDE À VUE

§ 3 - L'OBLIGATION DU PLACEMENT
372 › Absence de contrainte. - Le placement en garde à vue d'une personne
suspecte n'est pas obligatoire si celle-ci ne subit aucune mesure de contrainte.
Depuis la loi no 2014-535 du 27 mai 201412, l'audition libre d'un suspect n'est
possible que dans les conditions prévues par l'article 61-1 du Code de procédure
pénale13. Les dispositions de cet article ne sont pas applicables si la personne a
été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'OPJ14.
De manière générale, le cadre juridique de l'audition libre n'est pas sans poser des
questions et difficultés pratiques. À titre d'exemple, on songe au suspect qui déciderait, au dernier moment15, de demander l'assistance d'un avocat ou de mettre fin
spontanément et prématurément à son audition16.
373 › Existence d'une contrainte. - Le placement en garde à vue est obligatoire
si une contrainte est exercée à l'encontre du suspect17. Une perquisition effectuée sans contrainte ne nécessite pas un placement préalable en garde à vue18.
374 › Notion de contrainte. - La contrainte doit émaner de la force publique19,
non d'une personne ayant autorité sur l'intéressé20. Elle ne résulte pas de la
réponse à une convocation de police21, à la différence d'injonctions de l'autorité
publique22. Il n'y a pas de contrainte si l'intéressé consent librement à son
audition23, quand bien même il aurait subi auparavant une mesure de contrainte,
comme une garde à vue24.
12. Auparavant, l'audition « libre » d'un suspect était juridiquement possible au regard d'une interprétation a contrario
de l'art. 62 CPP. C'est d'ailleurs sur le fondement de ce texte que le Conseil constitutionnel a validé constitutionnellement l'audition libre. V. Cons. const., 18 nov. 2011, déc. nº 2011-191/194/195/196/197 QPC, cons. 18.
V. aussi, pour l'art. 78 CPP, Cons. const., 18 juin 2012, déc. nº 2012-257 QPC, cons. 8. V. également
Cass. crim., 14 juin 2017, 16-80678.
13. Le fait de ne pas informer le suspect qu'il peut quitter à tout moment les locaux de la police ou de la gendarmerie
justifie d'annuler l'audition : Cass. crim., 21 mars 2017, nº 16-83124. Pour le cas où des éléments autres que les
déclarations recueillies justifient la condamnation, v. Cass. crim., 17 févr. 2016, nº 15-80984. Sur l'extension des
garanties de l'article 61-1 CPP aux auditions réalisées par des polices spéciales, v. art. 83 de la loi nº 2016-731
du 3 juin 2016. V. aussi art. L. 234-18 et 235-5 C. route.
14. Le cas échéant, soit la personne est placée en garde à vue, soit elle est reconvoquée (mais dans quel délai ?). En
pratique, il n'est pas rare que les suspects ne répondent pas aux convocations. Il est alors recouru à la comparution
forcée de l'art. 78 CPP. Sur le recours à la comparution forcée, v. Cass. crim., 22 févr. 2017, nº 16-82412 (B) : ce
texte ne permet pas à l'OPJ autorisé par le procureur de la République de contraindre une personne à comparaître
par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile, une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter
que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d'en apprécier préalablement la nécessité. Sur la
justification de cette contrainte, v. Cass. crim., 29 nov. 2016, nº 16-83513 (B).
15. Hypothèse d'une personne ayant reçu une convocation écrite, qui se présenterait seule et qui demanderait, une fois
devant les enquêteurs, l'assistance d'un avocat.
16. L'OPJ peut-il placer en garde à vue le suspect qui menace de partir ou qui décide de partir (notamment parce qu'il est
mis en difficulté par les questions qui lui sont posées) ? Une réponse positive semble devoir s'imposer le cas échéant.
17. S'agissant du témoin, une contrainte peut être exercée à son égard durant le temps strictement nécessaire à son audition,
si les nécessités de l'enquête le justifient, sans que la durée de la rétention puisse excéder quatre heures (art. 62 CPP).
18. Cass. crim., 23 mai 2007, no 06-88816.
19. Cass. crim., 19 mai 1999, no 99-81296. V. également art. 73 CPP.
20. Cass. crim., 25 oct. 2000, no 00-84726 (B).
21. Cass. crim., 31 oct. 2001, no 01-85341 (B) - 10 sept. 2008, no 07-85106.
22. Cass. 2e civ., 9 déc. 2004, no 03-50116 (B).
23. Cass. crim., 12 oct. 2005, no 05-81848 - 20 sept. 2006, no 06-84343 - 8 juill. 2015, no 14-82047.
24. Cass. crim., 31 oct. 2001, no 01-85341 (B).

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