Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 10

L'HONORAIRE DE L'AVOCAT

et social pour toute la province, ce fut pour Claude Laborieux7 (1615-1689), chanoine
et vicaire général, l'occasion de composer des Noëls des Grands Jours8. Les Noëls
étaient des chants de joie dont le nom vient des cantiques dans lesquels on célébrait
la naissance du Christ. L'un de ces poèmes, écrit en langue auvergnate, est traduit
ainsi par Benoît Gonod (1792-1849), en annexe de la première édition du manuscrit
du journal d'Esprit Fléchier9 (1632-1710) : « Il y a je ne sais combien / D'avocats sans
cause, / Venus je ne sais d'où, / Qui ont fait souvent / Grand bruit, grand cancan ; / Et
Dieu sait, / Au fond de leur sac, / Il ne s'est trouvé grand'chose ; / Leur caquet se
repose ; / Mais, vraiment, il y en a bien / Quelqu'un qui crie bien fort, / Qui n'a pas
laissé, tant il cause, / Sa langue au chevet »10.
Lors d'une nouvelle publication du manuscrit de Fléchier, Adolphe Chéruel11 (1809-1891)
indique qu'Étienne Pasquier (1529-1615), avocat au parlement de Paris, distingué par son
éloquence, historien, auteur de poèmes et d'un ouvrage monumental intitulé Recherches
sur la France, narre qu'en sa jeunesse, « c'était une coutume, que l'on avait tournée en
cérémonie, de chanter tous les soirs, presque en chaque famille, des Noëls, qui étaient
des chansons spirituelles faites en l'honneur de N.S. »12. Il faut dire qu'au XVIe siècle la
basoche et la poésie allaient de pair. D'ailleurs ce poète sacrifia à la tradition quand, lors
des Grands-Jours de Poitiers, en 1579, il aperçut une puce sur le sein d'une certaine
demoiselle Catherine des Roches. Tous les poètes latins et français du royaume prirent
alors part à cette découverte et la puce « les fit bourdonner tels les insectes du Parnasse », devant le sujet d'un recueil connu sous le titre de La Puce des Grands-Jours de
Poitiers publié en 1582 et 158313. Pasquier alla ensuite aux Grands-Jours de Troyes, en
1583. Là, il commanda son portrait. L'artiste choisi oublia de lui peindre des mains. Cette
particularité excita alors la verve de tous les rimailleurs du temps qui composèrent un
nouveau recueil : La Main de Pasquier. Le modèle fut aussi l'auteur de vers qu'il apposa
sous le tableau : « Nulla hic Pafcafio manus eft : Lex Cincia quippe / Caussidicos nullas fanxit
habere manus ». Nous sommes en mesure d'en donner la traduction suivante14 :
« Eh oui, Pasquier n'a pas de main ; en effet, la loi Cincia a interdit aux avocats d'en
7. P.-G. AIGUEPERSE, Biographie ou dictionnaire historique des personnages d'Auvergne, Clermont-Ferrand, t. I ThibaudLandriot, 1834, t. II Berthier, 1836.
8. C. LABORIEUX, Noëls nouveaux, G. Jacquard, Clermont, circa 1670.
9. B. GONOD, Mémoires de Fléchier sur les grands-jours tenus à Clermont en 1665-1666, Porquet, 1844.
10. En patois d'Auvergne : « Ou l'y o no scé quant / D'avoucats sens causa, / Venguts d'end'aquant, / Qu'ont foué
quant et quant / Grand brut, grand cancan ; / Et Diau sa, / Au fond de liour sa, / Ou ne s'ei pas trouba grand
chosa ; / Liour caquet se pausa ; / Mas, de vré, ou n'y a be / Quaucun que janlha be, / Que n'a pas leissa, tant
yo causa, / Sa lhingua au chabe. »
11. E. FLÉCHIER, Mémoires sur les Grands jours d'Auvergne en 1665, avec une notice de M. Sainte-Beuve et un appendice de M. Chéruel, Hachette, 1862.
12. E. PASQUIER, Recherches de la France, livre IV, chapitre XVI, L. Sonnius, 1607.
13. Collectif, La puce de Madame Desroches qui est un recueil de divers poëmes Grecs, Latins & François, composez
par plusieurs doctes personnages aux Grands Iours tenus à Poitiers, l'An M.D.LXXIX., Abel l'Angelier,
1582/1583.
14. Communication de Jeanne Bézy, 18 janv. 2008. Notre correspondante, avec obligeance, nous enseigne que certaines difficultés littérales ne peuvent être résolues que par la connaissance du contexte et relève deux problèmes.
D'abord, « caussidicos », « qui disent les causes », pourrait être péjoratif, ce qui serait susceptible d'induire, en
traduisant, l'utilisation d'un mot argotique pour désigner les avocats. Nous pourrions tenter « bavard » avec un
risque d'anachronisme car nous ne savons pas si l'acception est attestée à l'époque des vers, ou « avocat de
balle » avec la même prévention. Toutefois, ces expressions populaires sont au moins attestées dès le XIXe siècle
pour la première et dès le XVIIIe siècle pour la seconde. Ensuite, « Quippe » est un mot de liaison causal ayant probablement dans cet usage une nuance ironique compliquée à rendre de manière brève.

10
http://www.12.Il
Table des matières de la publication Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re
