Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 26

L'HONORAIRE DE L'AVOCAT

du pro bono soit à l'égard des démunis, soit à celui de puissants personnages, le
client relevait ce qu'il considérait comme des incohérences dans la facturation et s'en
prenait à l'étendue de sa notoriété mise en relation avec celle d'autres de ses confrères. Il mettait en rapport la demande de 4 000 francs pour une affaire dans laquelle
les autres avocats de la cause auraient perçu 150 et 300 francs, avec un honoraire
de 160 francs perçu par Verdier-Latour de la princesse de Rohan pour un voyage de
huit jours à Ambert à l'occasion d'un procès ou celui de 300 francs réclamé pour huit
jours de surveillance des ouvriers qu'il qualifiait « de démarches dont se chargent
rarement les avocats ». Chauvassaignes critiquait à la fois le montant des honoraires,
la réalité du travail effectué et sa qualité.
C'est Chauvassaignes qui prit tout de même l'initiative de la publication pour commenter la décision passée en force de chose jugée. Nous ne savons pas si Verdier-Latour
procéda de même avec des commentaires nécessairement inverses, mais dans la
perspective du principe de dignité nous espérons que non. En tout cas, non seulement
l'action judiciaire pour les honoraires existait bel et bien, mais encore, dans ce cas
d'espèce, c'est le bâtonnier en exercice qui l'engageait, qui plus est, comparaissant
pour lui-même. Dans les conclusions prises pour Chauvassaignes par son avoué il
était demandé au 4º « qu'au moyen de la somme de 2 925 francs qu'il a reçue, il est
complètement soldé de ses soins et honoraires » et au 6º « que M. Latour sera déclaré
non recevable et mal fondé dans sa demande reconventionnelle. » L'avoué entrait
dans le débat de fond et écrivait « Attendu que si un usage contraire à la loi, qui tarifie
les honoraires des avocats, lui permet de recevoir des sommes non allouées par le
tarif, cette tolérance ne peut cependant pas être illimitée, et autoriser M. Latour à se
faire payer toutes les sommes qu'il lui plaît et qu'il lui plaira de demander, alors que
comme dans l'espèce, il a été largement surpayé », acceptant ainsi le principe de la
recevabilité de la demande.
Mais, dans sa plaidoirie, Jules Favre relayait la doctrine dominante13. Il était d'abord
elliptique et prenait « le tribunal comme témoin et comme juge de la position
embarrassante qui nous est faite par notre adversaire, M. Verdier-Latour » et
remarquait qu'il ne lui était pas possible « de ne pas solliciter de la bienveillance
de Messieurs une solution quelconque à cette position ». Verdier-Latour retournait
l'argument sous-entendu et prétendait qu'il ne s'agissait pas d'une question d'argent : « il s'agit pour moi d'une question bien autrement importante, d'une question
d'honneur ; il s'agit de la dignité de ma profession, et, dans une semblable question,
je devais moi-même, et moi seul prendre soin de mon honneur. » Mais il n'entendait
pas plaider et se bornait à déposer et lire ses conclusions écrites. Le ténor parisien
devenait alors à la fois plus explicite et plus agressif : « Je supplie mon adversaire,
de vouloir bien me dire si, dans sa longue carrière, il a vu un pareil exemple, s'il ne
trouve pas que ce soit un affligeant spectacle pour les mœurs, pour le Barreau, que
celui d'un avocat qui prétend opposer à son propriétaire, (...) je ne sais quelle compensation d'une prétendue somme (...) qui lui serait due pour honoraires. Quant à
moi qui, depuis longtemps aussi, ai l'avantage de faire partie du Barreau, je déclare
13. Et cela contrairement à ce que nous mentionnions par erreur dans J.-L. GAINETON, « L'avocat et l'argent »,
chapitre VIII in Droit et déontologie de la profession d'avocat, B. BEIGNIER et J. VILLACÈQUE (dir.), Gazette du Palais,
2016, à la suite d'une mauvaise analyse de nos anciennes notes consignées au début des années 1990.

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