Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 27

HISTOIRE REVISITÉE DU DROIT DE L'HONORAIRE

n'avoir jamais vu un pareil fait dans le long exercice de ma profession. » Il poursuivait plus loin : « Mon adversaire a eu raison de dire dans ses conclusions qu'un avocat était le seul juge du chiffre de des honoraires ; oui, il peut, dans sa conscience,
fixer la rémunération qui lui est due, et peut faire avec son client telle convention que
bon lui semble, mais à une condition, c'est que si une contestation vient à s'élever
sur cette question d'argent, l'avocat se doit à lui-même, à sa robe, à la sainteté de
son ministère, de rester muet, de renoncer à tous honoraires, plutôt que d'affliger la
justice de ses réclamations intéressées. (...) Je sais, Messieurs, que c'est une question grave et délicate, de savoir si l'avocat a une action en justice pour le paiement de
ses honoraires ; je sais que des hommes honorables, que d'excellents esprits professent qu'il ne faut pas s'arrêter à ces scrupules (...). Mais je sais aussi que les
chefs les plus éminents de l'Ordre ont toujours protesté contre une pareille doctrine ; je sais qu'un homme, beaucoup plus haut placé que M. Verdier-Latour, un
avocat au Parlement, Linguet crut devoir plaider pour ses honoraires contre la
famille de Rohan. 25 000 francs lui furent alloués par la justice, pour deux affaires
importantes ; mais le lendemain, il était rayé du tableau de l'Ordre par ses pairs.
Je dis et je répète qu'un avocat qui vient en justice se faire discuter, sort de la famille
du barreau à laquelle il devait être fier d'appartenir. J'ai dit que l'avocat était maître
souverain pour apprécier ses honoraires ; seul, il peut fixer ce qu'il prétend mériter ;
seul, il peut se chiffrer, et il ne dépend de personne de lui infliger l'insulte d'une
aumône tarifée. L'avocat doit s'abstenir de toute réclamation, s'il rencontre un client
ingrat, ridicule ou injuste. (...) Peu importe, c'est dans cette abnégation, dans ce
noble désintéressement que nous plaçons la noblesse de notre belle profession ;
et une fois encore, nous ne serions que de misérables charlatans, si devant nos
concitoyens dont nous devons défendre les intérêts, nous descendions dans le prétoire de la justice pour marchander nos honoraires. » Mais ce n'était qu'imprécation.
Nul fondement juridique n'était avancé.
Le substitut du procureur de la République donna son avis : « Messieurs, je regrette
que la médiation de l'honorable président de ce tribunal ait été impuissante pour
mettre fin au scandale de cette affaire. Cela prouve que les personnes les plus
haut placées ne sont pas plus que les autres à l'abri des passions et des rancunes.
M. Latour et M. Chauvassaignes, vous retirerez de ce débat une fâcheuse conséquence, car vous perdrez en considération. Notre rôle, Messieurs, est difficile, car
il faut ici, pour demeurer impartial, que nous sachions nous soustraire au prestige, à
l'influence séductrice d'une de vos plus grandes célébrités parlementaires. » Il rappela ensuite l'origine du procès, la mésintelligence entre deux rivaux dans les élections locales.
Dans sa sagesse, conscient du caractère peu juridique de l'origine du procès, le
tribunal rendit le 24 mai 1850 un jugement susceptible d'apaiser tout le monde. Il
renvoya les deux parties dos à dos, les déclarant quittes en fixant les créances de
chacune à 5 200 francs (soit une réduction de 3 000 francs environ des honoraires
demandés).
C'est après la décision que, dans son libelle, Chauvassaignes se gaussait de VerdierLatour qui aurait « annoncé pompeusement : Une réduction sur mes demandes,
si minime fût-elle, équivaudrait à mes propres yeux à ma radiation du tableau de
l'ordre ». Et d'ajouter : « Les plaisants assurent que n'ayant parlé que d'une réduction
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