Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 28

L'HONORAIRE DE L'AVOCAT

minime, il attendra que les clients ou les collègues lui rendent la justice qu'il
mérite ». Chauvassaignes reprochait à son ancien avocat d'avoir dit en conseil municipal « qu'il [lui] avait donné des conseils bien gratuitement », tandis que VerdierLatour assurait dans ses conclusions additionnelles que sa « profession et la
confiance sans réserve, qui, pendant de longues années, l'avait initié à toutes les
affaires [des époux Chauvassaignes], lui imposaient la plus grande réserve dans la
discussion des difficultés soumises au tribunal. Pour ne point s'écarter de cette
modération qui est dans son caractère et qui lui est commandée par sa position,
[sa] volonté est de réduire la discussion orale et de s'abstenir de plaidoiries, selon
l'acception du terme, [il] croit devoir consigner dans ses conclusions écrites, les faits
et les développements nécessaires à sa défense et à la justification de ses propres
demandes ».
Si, par un effet de dialectique, le bâtonnier Junius Verdier-Latour avait pu envisager
un instant sa « radiation » de l'ordre, ce n'était certes pas en raison de l'exercice
d'une action en paiement de ses honoraires, mais en considération de son honneur
perdu s'il échouait. Et s'il quitta le barreau peu après, ce ne fut pas couvert d'injures
puisqu'il était nommé conseiller à la cour d'appel de Rennes avant de rejoindre celle
de Riom. Il faut replacer tout cela dans le contexte de pugilat politique et acrimonieux qui est aussi celui dont la persistance nous permet aujourd'hui de connaître
tous ces détails de la pratique.
Mais lorsque nous avons découvert cette pièce, nous fûmes bien embarrassés de
voir un bâtonnier de l'ordre violer un principe si consensuel pour l'époque que
celui de l'interdiction à l'avocat de l'action en justice pour ses honoraires. Nous
eûmes du mal à l'insérer dans nos études historiques faute d'autres exemples et,
plutôt que de se méprendre sur sa portée, nous avions choisi de ne pas la traiter.
Bien heureusement. Car d'autres éléments nous démontrent maintenant que le
bâtonnier Verdier-Latour ne faisait là rien que de très naturel et relevant de la pratique, même si l'exercice n'était ni agréable, ni glorieux, ni simplement commode
pour celui qui devait s'y résoudre.
17 › Provinces de France. - En d'autres provinces, quelques documents font
taire l'assourdissant silence orchestré autour de l'honoraire.
En 1868 au tribunal civil d'Uzès une instance de ce type oppose Me Chamand, avocat
et demandeur, à l'abbé Coulomb14. En 1866, une discussion s'éleva entre l'avocat et
le client au sujet des 400 francs d'honoraires réclamés pour une affaire de l'année
précédente. L'abbé proposa de désigner le président du tribunal comme arbitre
pour trancher une question préalable tenant au mandat qu'il contestait. Pour des
raisons assez confuses, l'arbitrage ne fut pas mis en œuvre, et le savant religieux
partit à Jérusalem puis en revint. C'est à son retour qu'il se trouva cité par son
ancien avocat devant le tribunal pour le paiement des honoraires, ce qui le conduisit
à publier son plaidoyer sous-titré « Droits et devoirs de l'avocat et du client ». Il
contesta encore le mandat ou du moins son étendue, ainsi que la qualité de l'action
de l'avocat, tira parti des fautes qu'il avait commises et conclut en disant « qu'aucun
14. P.-F. COULOMB, « Plaidoyer prononcé le 5 février 1868 devant le tribunal civil d'Uzès en réponse à M. Chamand,
avocat et demandeur », H. Malige, Uzès, 1868 (BNF, 4-FM-7998).

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