Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 45

HISTOIRE REVISITÉE DU DROIT DE L'HONORAIRE

modernes. Et après une autre mention de la nouvelle règle, il maintenait son observation en 1778, tout en déployant un commentaire feutré et cinglant à la fois pour qui
veut l'entendre : « Cette profession se faisait gratuitement à Rome ; cependant
comme par la raison générale tout service mérite récompense, soit du public, ou
des particuliers, proportionnée au travail, il est juste qu'on ait soin de leur donner
leurs honoraires, encore qu'ils ne les demandent pas par bienséance : mais un avocat doit recevoir ce qu'on lui donne, sans rien exiger, et encore moins sans en former l'action, si on lui refusait son honoraire ; car toutes les vertus se perdent dans
l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer. Il faut savoir régler le rang de
ses intérêts, et les conduire chacun dans son ordre : mais notre avidité se trouble
souvent ; et quoique l'intérêt parle toutes sortes de langues, et qu'il joue toutes sortes de personnages pour se cacher, et même celui de désintéressement ; néanmoins tôt ou tard il se découvre et se livre à la lumière : car il n'y a rien de si délié,
de si simple, et de si imperceptible où il n'entre des manières qui nous décèlent ».
26 › Exemple des barreaux de Douai et de Clermont-Ferrand au XVIIIe siècle. -
En fait, même à cette époque, nous étions bien loin de la prétendue traditionnelle interdiction de recouvrement des honoraires. À l'automne de l'Ancien
Régime, selon les parlements, l'action en recouvrement était ou non ouverte
aux avocats. Le bâtonnier André Damien reprenant le bâtonnier Victor
Bufquin55 (1900-1971) démontre que dans le ressort de Douai, le parlement permettait expressément l'action en paiement des honoraires. Cette constatation
résulte de l'arrêt du 21 novembre 1749 rendu à la suite du réquisitoire que le
procureur général avait prononcé : « Quoique la profession d'avocat exige un
désintéressement égal à sa noblesse, il importe d'empêcher les plaideurs
ingrats de refuser à un travail aussi pénible qu'important la récompense qu'il
mérite et également à des avocats plus avides de gains que de gloire, de porter
le prix de ce travail au-delà de ce que permettent l'honneur de leur état, le bien
de la justice et les facultés de leur client ». Le même auteur excipait que l'interdiction était inexistante dans le règlement de ce même barreau en 1715. C'était
loin d'être un cas isolé.
Un mémorial déontologique56 de 1767 établi par le barreau de Clermont-Ferrand
contredisait aussi expressément la thèse de la prohibition traditionnelle. S'il imposait délicatesse dans la fixation et la perception de ses honoraires par l'avocat, il
permettait a contrario l'action et le recours mesuré au bâtonnier avec homologation
judiciaire en ces termes : « Délicatesse de devoir et d'honneur dans la fixation et la
perception des honoraires pour lesquels l'avocat ne retient point les pièces, n'exerce
point d'action pour lui-même, et n'est pas aussi actionné en restitution des honoraires qu'il a perçus ; sauf à la vérité pour les cas où il y aurait véritablement excès, le
remède toujours de l'animadversion du syndic et de la discipline de l'ordre, et le
55. V. BUFQUIN, Le parlement de Flandre, la cour d'appel de Douai, le barreau, Douai, 1965.
56. I. Anonyme (M... avocat de la même ville), Mémorial des avocats composé et imprimé par le vœu et sous l'approbation et signature de tous les avocats de Clermont, Pierre Viallanes, Clermont-Ferrand, 1767 (BMIU Clermont-Ferrand,
A 34862). II. J.-L. GAINETON, « Le barreau en Basse-Auvergne au XVIIIe siècle », Rev. SIHPA, nº 6, Toulouse, 1994. III.
J.-L. GAINETON, « Les sources de l'histoire des barreaux de l'ancienne Basse-Auvergne et du Puy-de-Dôme », Rev.
SIHPA, nº 8, Toulouse, 1996. IV. J.-L. GAINETON, Histoire des barreaux de Basse-Auvergne et du Puy-de-Dôme,
Rameaux & Racines, Clermont-Ferrand, 2008, avec la publication du texte intégral du document.

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