Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 133

CHAPITRE 2 - EXERCICES PRATIQUES (II)

1. L'inflation de l'action politique
Face à l'augmentation présumée du sentiment d'insécurité (qui ne s'étudie que sur la
base de sondages), les autorités ont parfois cédé à la politique du fait divers en légiférant
pour chaque événement choquant la population.
De nombreuses lois d'incrimination sont alors créées, sans pour autant que leur efficacité
ne soit démontrée. La récidive et la dangerosité entrent dans les éléments accroissant le
sentiment d'insécurité, et qu'il faut donc amoindrir par tous les moyens.
De nombreuses mesures de sûretés ont vu le jour, sanctionnant un risque plutôt qu'un
comportement, basculant de la sphère juridique à la sphère psychologique, et ce afin
d'apaiser les peurs collectives, de donner l'illusion d'une sécurité.
2. L'illusion de sécurité
Le sentiment d'insécurité relevant du for intérieur, de la psychologie de l'individu, il
n'est pas nécessaire, et pas forcément efficace, d'apporter une sécurité à l'individu. Il
suffit de lui en donner l'illusion pour que son sentiment disparaisse.
Ainsi, après les attentats du 13 novembre 2015, nombre de parisiens affirmaient se sentir
en sécurité du fait de la présence, à côté d'eux dans les rues, de forces de l'ordre. Pourtant
l'insécurité n'avait pas évolué.
Il en est de même pour l'accroissement, dans les communes, de caméras de vidéosurveillance. Il n'est pas nécessaire qu'elles fonctionnent pour se sentir en sécurité, mais
d'en avoir l'illusion. Cette idée se retrouve dans le panoptique de Bentham où le fait de
ne pas savoir si la surveillance est effective ou non, conduit à la sécurité.
Cette illusion de sécurité peut être conjuguée à celle du bouc-émissaire (B).
B. La concentration des peurs sur le bouc-émissaire
Réduire le sentiment d'insécurité a souvent été l'occasion de trouver un bouc-émissaire
afin d'identifier une source d'insécurité (1), au risque d'entretenir cette dernière (2).
1. L'identification d'une source d'insécurité
Jean Delumeau a montré, dans La Peur en Occident (1978), l'existence des peurs dans
toutes les sociétés, qu'elles soient raisonnées (peur des éléments naturels) ou mystiques
(peur de l'enfer, peur du diable).
Pour combattre ces peurs, l'homme a toujours concentré celles-ci dans un bouc-émissaire.
C'était jadis l'animal qu'on sacrifiait, c'est aujourd'hui la chose qu'il faut anéantir.
Le problème est celui de ce que René Girard appelait la « violence mimétique » : l'individu
se voit lui dans l'autre, et non l'autre en lui. Il veut ce que l'autre aurait et concentre ainsi
toute sa violence dans le bouc-émissaire.
Les illustrations sont pléthores dans nos sociétés occidentales. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, le juif était la cible de tous les fantasmes nazis. Pendant la Guerre
froide, le communiste était au capitaliste ce que ce dernier était au communiste, en
fonction qu'on se situait en URSS ou aux États-Unis : l'origine de tous les maux.

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