Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 168

PARTIE 2 - SE PRÉPARER À L'ÉPREUVE

Le politique apparaît ainsi dans l'impasse. Les décisions qu'il met en œuvre
échouent à apaiser un sentiment en apparence irrationnel mais bel et bien justifié,
qu'il serait donc illusoire et dangereux d'ignorer car cela reviendrait à avouer son
impuissance. Cependant, le pouvoir politique ne doit pas confondre lutte contre l'insécurité et réponse au sentiment d'insécurité.
La première est un fait, appelant, si elle est avérée, des réponses précises et
concrètes ; le second est un sentiment, une représentation dont on ne doit pas chercher les racines dans les faits vécus mais perçus.
Il s'agit dès lors de déterminer en quoi le politique peut et doit répondre positivement à ces perceptions.
En second lieu, pour élaborer une réponse tangible à une passion, le pouvoir
politique doit affirmer ses capacités de gouvernement en vue de déconstruire un
discours politique dangereux (A). La lutte contre une représentation sociale justifiée
mais déformée suppose également un renversement de la peur et un retour de la
mobilisation au service du projet politique (B).
Premièrement, le sentiment d'insécurité repose avant tout sur la peur, portée et
amplifiée par des canaux objectifs et subjectifs. Répondre à cela suppose d'apaiser
cette peur en réaffirmant une réelle autorité mais également une volonté de protection, ce qui nécessite des moyens en conséquence.
Le politique doit ainsi restaurer son autorité en agissant à deux niveaux.
D'une part, il paraît important d'identifier une structure de gouvernement claire,
émanant du suffrage universel. Par exemple dans Émeutes vs intégration, Romain
Garbaye montre les différences de traitement des émeutes urbaines en France et
en Grande-Bretagne. Les Britanniques ont agi à un niveau décentralisé mais ont
cependant clairement identifié les structures politiques garantes de l'autorité et, si
nécessaire, de la répression.
Les initiatives ont également clairement émané des conseils municipaux et d'associations reconnues comme représentatives, ce qui a tendu à calmer les craintes tout
en apportant une confiance plus durable dans le pouvoir des représentants.
D'autre part, Robert Castel insiste dans L'Insécurité sociale sur la nécessité pour
l'État-providence de tenir ses promesses en matière de protection et de redistribution,
ce qui apportera plus de crédibilité et de certitudes. Le décalage est aujourd'hui trop
grand entre le discours et la perception des populations, voire la réalité en matière
de protection sociale. Ainsi, l'INSEE a montré que les inégalités de revenu ont eu
tendance à augmenter depuis les années 1980. Selon Robert Castel, tenir son rôle
de protecteur ne signifie pas nécessairement garantir une couverture contre tous les
risques, ce qui serait impossible, mais assurer une protection suffisante pour tous,
à même de réduire le sentiment de vulnérabilité de la population.
Une telle dynamique suppose des moyens en conséquence. Laurent Davezies dans
La République et ses territoires souligne ainsi les risques de la concurrence fiscale et
de l'économie résidentielle en France. Il prône au contraire une plus forte péréquation
entre zones géographiques pour donner à chacune les moyens de son développement.

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