Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 20

PARTIE 1 - CADRAGE ET TECHNIQUE DE L'ÉPREUVE

Évoquant la construction de l'espace judiciaire européen, M. le Directeur de l'École
nationale de la magistrature observait en mai 2010, dans la revue de l'École, ENM
info (n° 33), que « l'une des réalités de la justice d'aujourd'hui est la globalisation des
phénomènes, la multiplication des échanges et, au fond, la disparition progressive
des frontières, qu'elles soient économiques, politiques ou judiciaires. »
Les frontières internes de l'Union européenne paraissent, en effet, de plus en plus
poreuses, évanescentes presque : elles ont perdu, de manière concertée, leur fonction
de barrières.
Elles « disparaissent progressivement », cependant que les frontières externes de
l'Union européenne s'affirment et voient se renforcer leur fonction de barrières,
surtout depuis 2006, lorsque les États membres de l'Union se sont dotés d'un dispositif de contrôle des flux migratoires, l'agence Frontex.
Sous l'effet conjugué d'une mondialisation accélérée, des déplacements d'équilibres
géopolitiques et du développement des communications électroniques à la faveur du
« 7e continent », le cyberespace, les frontières peuvent paraître proprement dépassées. Avec, à la clé et à ce rythme, une possible numérisation des Républiques, figure
achevée de la dématérialisation des frontières. Un ancien de nos ministres, alors
chargé du développement de l'économie numérique, n'a-t-il pas pu - n'a-t-il même
pas dû - écrire La République numérique qu'il voyait poindre ?
Pourtant, depuis une vingtaine d'années, près de 30 000 kilomètres de nouvelles
frontières internationales ont été tracés (en Europe centrale et baltique, dans les
Balkans occidentaux, en Asie centrale...). La production continue de frontières politiques depuis 1991 serait même le signe d'un « arpentage systématique du monde »,
à en croire le géographe et diplomate Michel Fouchet, auteur d'un essai au titre
évocateur, L'obsession des frontières.
Et encore est-ce compter sans les quelque 230 000 kilomètres de frontières politiques terrestres et 323 frontières interétatiques qui partitionnent déjà le monde
contemporain ; ni les quelque 60 000 kilomètres de frontières supplémentaires que
prévoit de démarquer le Programme Frontières de l'Union africaine, lancé en 2007
à l'instigation du président - et géographe - Alpha Oumar Konaré ; ni les frontières
maritimes et aériennes.
Le rappel de ces quelques faits et chiffres incline à penser que mondialisation, érosion
des frontières, démarcation frontalière ne sont manifestement pas exclusives. Peutêtre même ont-elles partie liée.
Tout se passe comme si le « sans frontières » apparent, parfois ouvertement
recherché par les forces fluides du marché et de l'humanitaire, le disputait aujourd'hui
à un regain des frontières ; même si Régis Debray nous promet, non sans malice, dans
son Éloge des frontières, que « les "Douaniers sans frontières", c'est pour demain ».
L'on devine dès lors que notre sujet, finalement complexe, dissuade toute réponse
immédiate. Seule une dissertation, médiate par sa forme même, peut permettre
au candidat d'apporter des éléments de réponse raisonnables. Le candidat doit ici
s'interroger sur la portée, d'abord judiciaire, juridique, politique, économique... des
changements en cours et à venir concernant les frontières. Il ne s'agit pas pour lui de
« deviner » l'avenir des frontières, mais de penser celui-ci en dégageant des scénarios

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