Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 24

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

l'article 61-1 du Code de procédure pénale soit aussi restrictive que celle des
dispositions de l'article 105 du même code, ce dernier texte visant « les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants d'avoir
participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendues
comme témoins ». Les vocables « plausible » et « soupçon » se prêtent en effet à
des analyses très factuelles.
31 › Évolution du statut de la personne auditionnée. Ces soupçons et ces indices peuvent évoluer en cours de procédure ; ces soupçons et indices peuvent
même apparaître en cours d'audition, la personne auditionnée en qualité de
témoin pouvant révéler sa participation à l'infraction. Entendue comme simple
témoin, la personne auditionnée doit voir son statut évoluer lorsque des soupçons apparaissent, pour pouvoir bénéficier des droits reconnus au suspect.
Cette hypothèse est expressément envisagée par l'article 62 du Code de procédure pénale, lequel distingue deux hypothèses, selon que le témoin est librement entendu ou retenu sous contrainte13. Le témoin librement entendu, devenu
suspect, doit faire l'objet d'une audition libre, après notification des droits prévus par l'article 61-1 du Code de procédure pénale, tandis que le témoin
contraint, devenu suspect, doit faire l'objet d'un placement en garde à vue,
après notification des droits prévus par l'article 63 et le respect des formalités
applicables à la garde à vue14.
32 › Difficultés d'appréciation liées à l'évolution du statut. Deux difficultés se
retrouvent. La première tient au « seuil » du soupçon à partir duquel le témoin
doit être considéré comme un suspect et doit donc faire l'objet d'une garde à vue
ou d'une audition libre. Si la question peut se poser de la suffisance des indices,
pour recourir à une garde à vue15, la question se pose également de savoir comment déterminer si, lors de l'audition de la personne en tant que « simple »
témoin, il existait déjà des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir participé
à une infraction. La seconde difficulté est le prolongement de la première,
puisque l'évolution du statut de la personne auditionnée ne remet pas en cause
la validité des auditions réalisées dès lors qu'il n'existait pas, lors de leur réalisation, de raison plausible de soupçonner qu'elle avait commis ou tenté de commettre une infraction. Une fois encore, la difficulté sera ici de démontrer que de
telles raisons existaient déjà lors de l'audition en tant que simple témoin.

B - DES SUSPECTS PARTICULIERS
33 › Des suspects. Si le soupçon ne doit pas être apprécié différemment selon
la personnalité de la personne sur lequel il pèse, certains suspects font l'objet
13. Art. 62, al. 3 et 4, du CPP, tel que modifié et créé par la loi nº 2014-535 du 27 mai 2014. Le témoin librement
entendu devra alors faire l'objet d'une audition libre, après notification des droits. Sur la contrainte, v. infra
nº 58 et s.
14. Cette situation a également des conséquences sur le point de départ de la garde à vue, v. infra nº 323.
15. La Cour européenne des droits de l'homme a indiqué que « l'existence de soupçons plausibles présuppose celle de
faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l'individu en cause peut avoir accompli
l'infraction », CEDH, 30 août 1990, Fox, Campbell et Hartley c/Royaume-Uni, req. nº 12244/86, 12245/86 et
12383/86, § 32 ; dans le même sens, 11 oct. 2016, Kasparov c/Russie, req. nº 53659/07, § 52.

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