Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 29

LE RECOURS À LA GARDE À VUE ET À L'AUDITION LIBRE

1) Le recours à la garde à vue pour une infraction punie d'emprisonnement
45 › Une exigence disparate. Prévue spécifiquement à l'article 62 du Code de
procédure pénale depuis la loi du 14 avril 2011, l'exigence de soupçons portant
sur un crime ou un délit puni d'emprisonnement pour recourir à une garde à vue
existait déjà s'agissant des infractions flagrantes. Dès l'origine, l'article 67 prévoyait que « les dispositions des articles 54 à 66 sont applicables, au cas de délit
flagrant, dans tous les cas où la loi prévoit une peine d'emprisonnement ». La
garde à vue pour un crime ou un délit flagrant est donc possible si l'infraction
est punie d'une peine d'emprisonnement. Cependant, dans le cadre d'une
enquête préliminaire, l'article 77 du Code de procédure pénale se contentait de
prévoir que « l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête,
garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe des
indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction »40. La garde à vue lors de l'enquête préliminaire n'était donc pas réservée
aux infractions punies d'emprisonnement et certains officiers de police judiciaire n'hésitaient pas à recourir à la garde à vue pour des contraventions ou
des délits non punis d'emprisonnement, y compris pour des infractions flagrantes.
46 › Une condition généralisée. Cette possibilité de placer une personne en
garde à vue « quelle que soit la gravité des faits qui motivent une telle mesure »
a été retenue par le Conseil constitutionnel comme l'un des motifs d'inconstitutionnalité des dispositions la prévoyant41 ; le Conseil a également relevé que
« toute garde à vue [pouvait] faire l'objet d'une prolongation de vingt-quatre heures sans que cette faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité »42. En réaction, le législateur du 14 avril 2011 a expressément
limité la possibilité de placer une personne suspectée en garde à vue aux faits
punis d'une peine d'emprisonnement, et ce aussi bien pour les infractions
flagrantes43 que lors des enquêtes préliminaires. L'article 77 se contente désormais de renvoyer aux articles 62-2 à 64-1 et le premier de ces textes limite le
recours à la garde à vue aux infractions punies d'emprisonnement44. De
même, dans le cadre d'une instruction, l'article 154 du Code de procédure
pénale renvoie aux articles 62-2 à 64-1, conditionnant ainsi la possibilité de
recourir à la garde à vue sur commission rogatoire à l'existence de soupçons
portant sur la commission d'une infraction punie d'emprisonnement45.
47 › Une gradation prévue. La loi du 14 avril 2011 a également prévu que la
prolongation de la garde à vue n'est possible que si l'infraction que la personne
40.
41.
42.
43.
44.

Art. 77, al. 1, dans sa version issue de la loi nº 93-2 du 4 janv. 1993.
Cons. const., 30 juill. 2010, nº 2010-14/22 QPC, consid. nº 27.
Ibid.
Art. 62, al. 2, du CPP devenu al. 4 après la loi nº 2014-535 du 27 mai 2014 ; art. 62-2, al. 1.
Suivant la même logique, l'article 323-1 du C. douanes, introduit par la loi nº 2011-392 du 14 avril 2011 et relatif
à la retenue douanière, précise que les agents des douanes ne peuvent procéder au placement en retenue douanière « qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement » ; ce texte a également été créé à
la suite d'une décision du Conseil constitutionnel du 22 sept. 2010, nº 2010-32 QPC.
45. En pratique, aucune information judiciaire ne porte sur des infractions non punies d'emprisonnement, de telle sorte
que cette situation n'a jamais posé de difficulté.

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