Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 30

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit
puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an46, introduisant
ici une gradation des mesures de contraintes selon la gravité de l'infraction. Si
cette gradation doit être relevée, il n'en demeure pas moins qu'en pratique les
conséquences sont limitées ; la très grande majorité des infractions délictuelles,
s'agissant surtout des plus fréquemment poursuivies, sont punies de peines
d'emprisonnement égales ou supérieures au seuil fixé par l'article 63, II alinéa 2
du Code de procédure pénale.
48 › Évolution de la qualification et seuil de la garde à vue. La question peut se
poser de l'incidence de cette condition si la qualification des faits devait évoluer
après la réalisation de la garde à vue. Lorsque des faits reçoivent, dans un premier temps, une qualification punie d'emprisonnement, il est alors possible de
placer le suspect en garde à vue ; si par la suite la qualification évolue, les faits
retenus recevant désormais une qualification contraventionnelle (une telle évolution est possible en matière de violences non aggravées), cette évolution de la
qualification ne remet pas en cause la validité de la garde à vue et des déclarations faites au cours de celle-ci dès lors que, lors de la garde à vue, les enquêteurs pouvaient légitimement penser que les faits étaient constitutifs d'une
infraction punie d'emprisonnement. Il faut en effet tenir compte des informations dont disposent les enquêteurs au moment où la décision est prise.
49 › Évolution de la qualification et régime de la garde à vue. La question
d'une évolution de la qualification délictuelle vers une qualification criminelle à
l'issue de la mesure de garde à vue peut également se poser, en particulier lorsqu'aucun élément nouveau ne justifie cette évolution, car elle peut avoir des
conséquences sur la régularité des auditions en garde à vue. En effet, sous
une qualification délictuelle, les auditions du mis en cause n'auront pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, alors que celui-ci est exigé lorsque les faits
reçoivent une qualification criminelle47. Il appartiendra alors à la défense, dans
le cadre d'une requête en annulation, de démontrer que les éléments factuels
permettant de retenir une qualification criminelle étaient déjà connus lors du
déroulement de la mesure de garde à vue et il faudra certainement caractériser
le grief qui est résulté du défaut d'enregistrement des auditions48. À titre
d'exemple, pour une mesure de garde à vue sur commission rogatoire du juge
d'instruction concernant un trafic international de stupéfiants, lorsque plusieurs
personnes suspectées sont interpellées, la qualification délictuelle retenue lors
du placement en garde à vue peut être celle d'importation de produits stupéfiant. Puis lors de la présentation devant le juge d'instruction, la mise en examen
est envisagée pour importation en bande organisée, cette dernière circonstance
conférant alors aux faits une qualification criminelle. La défense pourrait alors
arguer de ce que le visa tardif de la circonstance aggravante de bande organisée
46. Sur la prolongation de la garde à vue, v. infra nº 333 et s.
47. Sur l'enregistrement, v. infra nº 288.
48. La Cour de cassation considère en effet que le défaut de notification à la personne gardée à vue de la modification
de qualification d'une infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre, ordonnée par le
procureur de la République, ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour elle une atteinte
effective à ses intérêts, Cass. crim., 15 oct. 2019, nº 19-82280.

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