Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 41

LE RECOURS À LA GARDE À VUE ET À L'AUDITION LIBRE

devant l'officier de police judiciaire auquel elle est présentée, qu'elle a répondu
à une « invitation » à se rendre accompagnée devant lui. Il faut alors se livrer à
l'examen attentif des éléments périphériques : compréhension de la langue,
situation administrative de l'intéressé, antécédents judiciaires notamment.
Autant d'éléments qui peuvent fragiliser la liberté de consentir à une audition
libre.

2) Une ambiguïté écartée dans certaines situations
67 › L'application de l'audition libre à des situations de contrainte. Au-delà de
ces hypothèses délicates à apprécier, d'autres situations prévues par la loi semblent plus qu'ambiguës et elles sont pourtant admises par un texte légal. On
peut d'ores et déjà souligner que c'est dans ces situations qu'avait prospéré la
multiplication de mesures de garde à vue91, offrant ainsi au Conseil constitutionnel l'opportunité de s'emparer du critère du changement de circonstances pour
rendre sa décision du 30 juillet 2010. En pratique, le recours à la garde à vue
pour des infractions de cette nature a reflué significativement.
68 › Audition libre et dépistage. Ainsi, lorsqu'il a été procédé aux épreuves de
dépistage en vue d'établir la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de produits
stupéfiants, le législateur a prévu que le placement en garde à vue n'est pas
obligatoire dès lors que la personne concernée n'est pas tenue sous la
contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et que l'audition a lieu
après que la personne a été informée de ses droits prévus par l'article 61-192.
Or, l'on pourrait considérer que le déroulement du dépistage, lequel suppose
que la personne ne s'éloigne pas du lieu des opérations, suppose de recourir à
la contrainte, au moins psychologique, tant il n'est pas certain que les personnes
ainsi contrôlées aient conscience de l'absence de contrainte.
69 › Audition libre et dégrisement. Dans la même logique, la loi du 3 juin 2016
a prévu que lorsqu'une personne en état d'ivresse dans les lieux publics a été
placée en chambre de sûreté en application de l'article L. 3341-1 du Code de la
santé publique, et que sa rétention prend fin sans qu'une mesure de garde à vue
ne soit décidée, elle est alors auditionnée selon les conditions prévues par l'article 61-1 du Code de procédure pénale93. Or, et plus encore, il pourrait sembler
que, dans une telle hypothèse, le placement en chambre de sûreté témoigne du
91. Il n'était pas rare de voir des personnes gardées à vue de nombreuses heures, voire au-delà de vingt-quatre heures
pour une audition unique concernant des faits simples et non contestés.
92. Art. L. 234-18 et L. 235-5 du C. route, insérés par la loi du 14 avril 2011 et modifiés par la loi du 3 juin 2016 ;
l'objet est ici de réduire « significativement le nombre de gardes à vue » (Circ. du 23 mai 2011,
NOR : JUSD1113979C). La Cour de cassation avait déjà considéré, dans une telle hypothèse, que la réalisation
du contrôle n'impliquait pas, en elle-même, une contrainte exigeant le placement en garde à vue de l'intéressé,
Cass. crim., 7 sept. 2004, nº 03-85956.
93. Art. L. 3341-2 du C. santé pub., inséré par la loi du 14 avril 2011 et modifié par la loi du 3 juin 2016. Avant la
modification de ce texte, la circulaire du 19 déc. 2014 indiquait déjà que la personne ainsi auditionnée devait
bénéficier des droits garantis par l'article 61-1 (NOR : JUSD1430472C). La Cour de cassation avait déjà considéré, dans une telle hypothèse, que le placement en chambre de sûreté pas n'exigeait pas ensuite le placement en
garde à vue de l'intéressé, dès lors que celui-ci consentait à être entendu, Cass. crim., 26 nov. 2003, nº 0381442 ; 26 oct. 2005, nº 05-80647 ; v. déjà, sans référence à l'absence de contrainte, Cass. crim., 9 sept.
1998, nº 98-80662, Bull. crim. nº 229.

41
Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re

Table des matières de la publication Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re
