Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 47

LE RECOURS À LA GARDE À VUE ET À L'AUDITION LIBRE

devant la juridiction de jugement soit par la voie d'une requête en annulation
devant la chambre de l'instruction qu'elle peut contester le visa de l'un des critères énoncés par l'article 62-2 du Code de procédure pénale. La défense risque
alors de se heurter à la double difficulté de la démonstration d'un grief autre
que l'entrave à la liberté du gardé à vue d'une part, et à la contestation argumentée du bien-fondé du ou des critères retenus pour la mise en œuvre ou la
prolongation de cette mesure, d'autre part. On retrouvera là, comme en miroir,
les mêmes difficultés que celles qui animent le débat sur les critères de l'article 144 en matière de détention provisoire.
80 › Les contours du contrôle du juge. Face à cette difficulté, le risque est celui
d'une exigence purement formelle, la garde à vue étant validée dès lors que l'un
des objectifs est correctement indiqué, dès lors que l'une des cases est cochée.
Si ce risque devait se réaliser, l'exigence serait vide de sens tant le rôle du
magistrat doit être de s'assurer, au moment de l'avis, de la légitimité des motifs
visés110. Or, dans un premier temps, la Cour de cassation a pu sembler fort
accommodante vis-à-vis des policiers, en cassant le jugement d'une cour d'appel qui avait annulé une garde à vue qui ne semblait pas nécessaire pour assurer le défèrement de l'intéressé (aux motifs qu'une comparution immédiate
aurait pu être envisagée plus tôt), la Cour rappelant de façon abstraite que l'article 62-2 permet de recourir à la garde à vue afin de garantir la présentation de
la personne devant le procureur de la République111. La décision a pu surprendre - et décevoir - tant l'on ne pouvait soutenir que l'article 62-2 avait fait disparaître la condition de nécessité de la mesure privative de liberté et cette nécessité devait être vérifiée au-delà de la seule référence à l'un des objectifs de
l'article 62-2112. La décision était d'autant plus surprenante que l'article 62-2
indique que la garde à vue doit être « l'unique moyen » de parvenir à l'un des
objectifs, ce qui implique donc que cette subsidiarité de la garde à vue et donc
sa nécessité soient contrôlées.
Il faut donc se féliciter de l'évolution de la jurisprudence, laquelle impose désormais
au juge du siège de contrôler que la mesure de garde à vue remplit les exigences de
l'article 62-2 du Code de procédure pénale et approuve le raisonnement des juges
du fond qui ont pu annuler une garde à vue qui n'était pas l'unique moyen de garantir
la comparution de l'intéressé devant le procureur de la République, au regard des
éléments dont disposaient les officiers de police judiciaire lors du placement113.
Pour autant, le constat d'un motif non pertinent n'entraîne pas ipso facto la nullité
de la garde à vue, puisque lors de ce contrôle, la chambre de l'instruction a la
faculté de relever un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l'officier de
police judiciaire114. Cette possibilité de substituer un autre motif justifiant la garde
110. « Ce qui compte, c'est qu'au moment du placement, le motif - la case cochée - paraisse pertinent », Th. AZEMA,
« Le contrôle des gardes à vue », in La garde à vue, de la réforme à la pratique, op. cit., p. 91.
111. Cass. crim., 18 nov. 2014, nº 14-81332, Bull. crim. nº 241.
112. V. en ce sens Ph. CONTE, « Placement en garde à vue et nécessités de l'enquête », Dr. pénal 2015, étude 12, spéc.
nº 5.
113. Cass. crim., 7 juin 2017, nº 16-87588.
114. Cass. crim. 28 mars 2017, nº 16-85015.

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