Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 54

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

être faite quinze, voire trente minutes après le placement en garde à vue11. Surtout, la Cour de cassation a pu admettre que des circonstances insurmontables
justifient une information tardive de la personne gardée à vue quant à ses droits.
Ainsi, le fait que le commissariat soit assiégé par des manifestants, empêchant
la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire justifie le retard
dans la délivrance de l'information12, tout comme le délai de route entre le lieu
de rétention douanière et le lieu de la garde à vue13. L'état de santé de la personne ou son refus de recevoir des soins peuvent également justifier un tel
retard14. L'attente d'un interprète a pu également justifier le retard dans la délivrance des informations prévues15, mais les exigences semblent s'être raffermies, d'autant que de nombreux formulaires écrits en différentes langues étrangères sont disponibles16. Enfin, l'état d'ébriété peut justifier de retarder la
délivrance de l'information, tant il apparaît nécessaire de s'assurer que l'intéressé est en mesure de comprendre la portée de ses droits17, et ce aussi longtemps que nécessaire18. Il est certain que l'effectivité des droits, c'est-à-dire
d'abord la compréhension des droits puis la décision d'en solliciter la mise en
œuvre, repose nécessairement sur la certitude que la personne soupçonnée a
été en capacité d'en comprendre le sens. En l'absence de circonstances insurmontables, tout retard injustifié porte nécessairement atteinte aux droits de la
personne concernée19.
88 › Exemples pratiques. Les trois situations les plus fréquemment rencontrées s'articulent autour de la question linguistique, de l'état d'ébriété et de
l'état de santé. Confrontée à ces trois situations - non exclusives - il appartient
à la défense qui contesterait soit le caractère prématuré de l'information des
droits, soit sa tardiveté de caractériser le bien-fondé de cette contestation à partir des éléments factuels consignés en procédure. Concernant la barrière linguistique, la pratique de l'information par la remise d'un document en langue
étrangère paraît se développer, conjuguant ainsi l'exigence du 1er alinéa de l'article 63-1 avec celle du 13e alinéa dudit article. Mais encore faut-il que la langue
dans laquelle ce document est rédigé soit comprise de la personne soupçonnée
11. Cass. 1re civ., 27 mai 2010, nº 09-12397 ; Cass. crim., 27 juin 2000, nº 00-80411. Plus récemment, la Cour de
cassation a considéré que le délai de vingt minutes écoulé entre la présentation de l'individu à l'officier de police
judiciaire de permanence (commissariat de police du XVIe arrondissement de Paris en l'espèce), et son placement
en garde à vue, incluant la notification des droits afférents à cette mesure, ne peut donner lieu à son annulation,
compte tenu des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu (XIXe arrondissement) et
des délais de transport, Cass. crim., 15 oct. 2019, nº 19-82380.
12. Cass. crim., 10 avr. 1996, nº 94-81728.
13. Cass. crim., 26 nov. 2008, nº 08-86060.
14. Cass. crim., 17 mai 2000, nº 00-81149 ; 27 nov. 2007, nº 07-83786.
15. Cass. crim., 26 mai 1999, nº 99-81457 ; Cass. 2e civ., 4 juill. 2002, nº 01-50005.
16. La Cour a ainsi pu confirmer le caractère tardif de la notification faite par l'interprète car le formulaire n'avait pas
été remis immédiatement, Cass. 1re civ., 21 nov. 2012, nº 11-30458.
17. Cass. crim., 3 avr. 1995, nº 94-81792 ; 19 mai 2009, nº 08-86466. En effet, la notification des droits ne doit pas
être prématurée et les juges doivent vérifier que les mentions du procès-verbal permettent de s'assurer que la personne gardée à vue avait retrouvé sa lucidité et était en état de comprendre ses droits, Cass. crim., 21 juin 2017,
nº 16-84158.
18. V. par exemple pour un retard de quatorze heures, justifié par les juges du fond en calculant la diminution du taux
d'imprégnation alcoolique, Cass. crim., 6 déc. 2016, nº 15-86619.
19. Cass. crim., 31 mai 2007, nº 07-80928 ; 24 mai 2016, nº 16-80564.

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