Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 68

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

la loi du 23 mars 2019 a anticipé, à juste titre103, en introduisant l'article 706112-2 au sein du Code de procédure pénale. Ce texte prévoit désormais l'information obligatoire du tuteur ou du curateur de la personne librement entendue,
si cette dernière fait l'objet d'une mesure de protection juridique. On observe
que l'hypothèse d'une mesure de sauvegarde de justice n'est pas envisagée104.
Il y a lieu de transposer ici les règles relatives aux diligences des enquêteurs applicables lors de la garde à vue105, si ce n'est qu'il n'existe plus de délai, ni de possibilité de différer cet avis. La seule protection offerte en cas de difficulté, ou en cas de
non-respect, n'est pas la nullité de l'audition mais la limitation de la force probante
des déclarations. Si le tuteur ou le curateur n'a pu être avisé et si la personne entendue n'a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation

§ 2 - LE DROIT DE GARDER LE SILENCE
117 › Prévisions et mise en œuvre. Si la notification du droit de se taire est
aujourd'hui expressément prévue, tant à l'occasion d'une audition libre que
dans le cadre d'une garde à vue, tel n'a pas toujours été le cas ; on remarque
d'ailleurs une certaine ambiguïté lors de la notification de ce droit (A). La question se pose surtout de savoir, face à l'option offerte par le Code de procédure
pénale, quelles sont les conséquences de l'exercice de ce droit ; aucune conséquence ne devrait être tirée du silence du suspect, mais il n'est pas certain que
tel soit bien le cas (B).

A - LA RECONNAISSANCE DU DROIT DE GARDER LE SILENCE
118 › Une exigence fondamentale. Dérivé du droit de ne pas contribuer à sa
propre incrimination, le droit pour tout suspect de garder le silence n'est pas
expressément consacré par le Code de procédure pénale, si ce n'est à travers
les prévisions des articles 61-1 et 63-1 qui prévoient la notification de ce droit.
Absent de l'article préliminaire du code, le droit de se taire est néanmoins
garanti conventionnellement et constitutionnellement. L'article 14 § 3 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966 prévoit ainsi que
« toute personne accusée d'une infraction pénale a droit [...] à ne pas être forcée
de témoigner contre elle-même ». De même, et quoique la lettre de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne le
mentionne pas, la Cour européenne des droits de l'homme a déduit ce droit de
l'article 6 § 3, en refusant que les autorités puissent contraindre une personne à
fournir elle-même la preuve des infractions qu'elle aurait commises, en méconnaissance du droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre
incrimination106. De façon encore plus explicite, la Cour européenne a pu
103. Cons. const., 24 janv. 2020, nº 2019-822 QPC.
104. Il ne s'agit pas d'un oubli mais bien d'un choix, puisqu'il a été considéré que le formaliste pouvait être allégé par
rapport à ce qui est prévu pour la garde à vue (Circ. 27 mai 2019, préc., p. 6).
105. On remarque que l'article 15-5-7 du CPP n'impose pas de demander à la personne librement entendue si elle fait
l'objet d'une mesure de protection.
106. CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/France, req. nº 10588/83, § 44.

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