Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 72

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

différence peut sembler ténue, elle repose sur le fait que le silence a été, ou
non, le fondement exclusif ou essentiel de la condamnation. Ainsi, s'il n'a été
qu'un élément d'appréciation de la personnalité du suspect ou un élément
parmi d'autres retenus pour forger l'intime conviction du juge, le silence gardé
peut être retenu défavorablement. Un tel constat est étonnant tant il semble que
l'exercice d'un droit ne doit pas pouvoir être retenu au titre d'une condamnation.
Cette logique est pourtant au cœur des infractions dites de « non-justification »,
où le silence gardé par l'intéressé sur la provenance de fonds d'origine douteuse
peut suffire à sa condamnation.
125 › Les limites du droit de se taire. Outre cette limite tenant aux conséquences défavorables du silence gardé par le suspect, le droit de se taire connaît
deux limites. La première est évidente : le suspect peut renoncer à ce droit et
choisir de faire des déclarations ou de répondre aux questions. Le fait que le
suspect, lors de l'audition libre ou de la garde à vue indique choisir de se taire
n'interdit d'ailleurs pas à l'enquêteur de persévérer et de poser des questions. Si
le suspect change d'avis et choisit de répondre aux questions posées, il n'y a
aucune difficulté. En pratique, il n'est d'ailleurs pas rare que le gardé à vue qui
a exprimé le souhait de garder le silence s'autorise à répondre à certaines questions posées dès lors qu'il jugera que ces questions sont périphériques au
regard de l'infraction pour laquelle il est placé en garde à vue. Plus encore, si
le suspect choisit immédiatement et spontanément de faire des déclarations,
celles-ci sont valables, alors même qu'il n'a pas été informé de son droit de se
taire (pas plus que son droit à l'avocat), dès lors que le défaut de notification a
été sans incidence sur le caractère spontané des déclarations123. En revanche,
la Cour de cassation a indiqué que le recueil de ces déclarations ne pouvait avoir
lieu lors d'une garde à vue, les enquêteurs devant procéder à une audition dans
le respect des règles légales autorisant le suspect à garder le silence et à être
assisté par un avocat124. Enfin, il convient d'être vigilant quant aux questions
posées lors de l'interrogatoire de grande identité. Cet interrogatoire peut se
dérouler en l'absence de l'avocat et pourtant, lorsqu'est abordé le relationnel
amical, professionnel ou familial de l'intéressé, des informations importantes
peuvent ainsi être recueillies qui seront directement en lien avec le fond de l'enquête.
La seconde limite tient au périmètre du droit au silence et de ne pas contribuer à sa
propre incrimination. Ce droit peut être exercé au cours d'une audition, que le suspect soit libre ou qu'il soit gardé à vue, mais il ne s'étend pas au recueil de données
ou de preuves qu'il convient d'obtenir indépendamment de la volonté de la personne
concernée125.

123. Cass. crim., 17 déc. 2013, nº 12-84297.
124. Cass. crim., 25 avr. 2017, nº 16-87518.
125. Cass. crim., 6 janv. 2015, nº 13-87652, sur les vérifications tendant à établir l'état d'imprégnation alcoolique.

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