Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 79

LES DROITS LORS DE LA GARDE À VUE ET DE L'AUDITION LIBRE

l'« inconsistance de l'accès au dossier »164. S'il peut arriver que certaines pièces
du dossier soient néanmoins communiquées à l'avocat, le Code de procédure
pénale ne l'impose pas, pas plus que la Cour de cassation165 ou le Conseil
constitutionnel166. En l'état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme167, et en l'absence de disposition imposant l'accès au dossier au
sein des directives européennes168, les pièces ainsi visées sont les seules à pouvoir être consultées.
141 › La consultation des pièces. L'avocat doit demander à consulter ces quelques pièces, elles n'ont pas à être mises d'office à sa disposition, même dans
l'hypothèse où l'avocat solliciterait l'accès au « dossier » : la Cour de cassation a
étonnamment considéré que cette demande ne traduisait pas le souhait de
l'avocat de consulter les pièces de l'article 63-4-1169. Lorsque cette demande a
correctement été formulée et que l'avocat n'a pas pu prendre connaissance des
pièces énumérées, cette irrégularité porte nécessairement atteinte aux droits de
la défense170.
En pratique, on ne relève pas de difficulté particulière sur ce point. Il convient de
solliciter cette consultation pour s'assurer notamment de la parfaite information de
la personne gardée à vue sur ses droits, vérifier la mise en œuvre des droits dont
164. J. ALIX, « Les droits de la défense au cours de l'enquête de police après la réforme de la garde à vue : état des lieux
et perspectives », D. 2011, p. 1699, spéc. nº 25 et s.
165. La Cour a en effet considéré que « n'est pas incompatible avec l'article 6 § 3 de la Convention européenne des
droits de l'homme, l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier à ce stade de la procédure,
n'étant pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l'accès
à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement », Cass. crim., 19 sept. 2012, nº 1188111 ; dans le même sens, Cass. crim., 9 avr. 2015, nº 14-87660.
166. Le Conseil constitutionnel a considéré que la garde à vue n'a pas pour objet de permettre la discussion de la
légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve, de telle sorte que l'absence d'accès au
dossier ne méconnaît pas les droits de la défense, Cons. const., 18 nov. 2011, préc., consid. 28.
167. Après que certaines décisions ont pu laisser croire à la nécessité de l'avocat d'avoir accès au dossier (CEDH,
20 sept. 2011, Sapan c/Turquie, req. nº 17252/09, spéc. § 21) et donc à la contrariété du régime français au
droit européen des droits de l'homme (v. F. DESPREZ, « Accès au dossier lors de la garde à vue : le risque d'une
condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme », D. 2012, P. 2640), la Cour européenne a clairement indiqué que « l'article 6 de la Convention ne saurait être interprété comme garantissant un accès illimité
au dossier pénal dès avant le premier interrogatoire par le juge d'instruction, lorsque les autorités nationales
disposent de raisons relatives à la protection des intérêts de la justice suffisantes pour ne pas mettre en échec
l'efficacité des investigations », CEDH, 9 avr. 2015, A.T. c/Luxembourg, req. nº 30460/13, § 81. On notera
que dans de précédentes décisions, elle avait déjà pu indiquer que la notion d'assistance effective ne recouvrait
pas nécessairement le droit de connaître toutes les pièces de l'enquête (CEDH, 9 mars 2006, Svipsta c/Lettonie,
req. nº 66820/01 ; v. encore CEDH, 28 août 2012, Simons c/Belgique, req. nº 71407/10). La Cour de cassation a pour sa part indiqué que l'absence de communication de l'ensemble du dossier ne prive pas la personne
d'un droit effectif et concret à un procès équitable, Cass. crim., 14 avr. 2015, nº 14-88515 ; 19 janv. 2016,
nº 15-81039.
168. Après avoir envisagé de consacrer l'accès au dossier lors de la garde à vue, l'article 7.3 de la dir.
nº 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales prévoit
que l'accès aux pièces du dossier est accordé en temps utile pour permettre l'exercice effectif des droits de la
défense et, au plus tard, lorsqu'une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l'accusation ; la
Cour de cassation a d'ailleurs considéré que l'article 63-4-1 constitue une transposition complète de la directive
du 22 mai 2012 (Cass. crim., 4 oct. 2016, nº 16-82309). La question pourrait toutefois se poser de savoir si la
prolongation par le JLD de la garde à vue relève d'une possibilité de contester la légalité de la détention, auquel
cas l'accès au dossier devrait être garanti en vertu de l'article 7.1.
169. Cass. crim., 18 déc. 2012, nº 12-85735.
170. Cass. crim., 17 nov. 2015, nº 15-83437.

79
Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re

Table des matières de la publication Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re
