Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 86

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

confrontations « si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre
le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à
la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ». On remarque que les termes utilisés rappellent ceux employés par la Cour européenne des droits de
l'homme dans l'affaire Salduz c/Turquie197.
Lorsque cette condition est remplie, l'assistance de la personne gardée à vue par un
avocat peut être reportée pour une durée maximale de douze heures, voire vingtquatre heures.
156 › Un report exceptionnel. Une telle faculté constitue indéniablement une
atteinte aux droits de la défense et pour que celle-ci soit admise, elle doit être
impérativement justifiée par ces circonstances visées, appréciées in concreto.
Comme l'observe la circulaire du 23 mai 2011198, ce report n'intervient que
dans « des hypothèses tout à fait rarissimes ». Sur ce point, la Cour de cassation
a eu l'occasion d'indiquer que la nécessité d'accomplir des recherches immédiates afin de retrouver une personne en péril constitue une raison impérieuse
de retarder l'intervention de l'avocat du gardé à vue199.
157 › Report de la seule présence aux auditions. On note tout de suite que le
report ne concerne que l'intervention de l'avocat lors des auditions et confrontations, et non l'entretien avec l'avocat, qui doit avoir lieu. Cela implique alors que
l'officier de police judiciaire reste tenu d'avertir l'avocat200, pour permettre le
déroulement de l'entretien, avant d'indiquer à celui-ci qu'il ne peut assister à
l'audition ou à la confrontation.
158 › Report de l'accès aux procès-verbaux d'audition. L'avocat est également
privé de la possibilité, pendant cette même durée, de consulter les procèsverbaux d'audition de la personne gardée à vue. Le magistrat qui a autorisé le
report de la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations peut également, dans les mêmes conditions et modalités, décider que l'avocat ne peut,
pour une durée identique, consulter ces « pièces » du dossier. En revanche,
l'avocat peut toujours consulter les autres documents prévus par l'article 63-4-1,
à savoir la notification du placement en garde à vue et l'éventuel certificat
médical. Une telle prévision est plus qu'étrange tant l'on voit mal en quoi la
consultation par l'avocat des procès-verbaux d'audition pourrait nuire au
déroulement de la procédure ou faire obstacle aux objectifs justifiant le report
de son intervention.
197. CEDH, gde ch., 27 nov. 2008, nº 36391/02, préc., spéc. § 55 où la Cour indique que l'accès à l'avocat doit
être « consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ». Les mêmes termes
sont également utilisés par la directive nº 2012/13/UE du 22 mai 2012 (art. 7) et par la directive
nº 2013/48/UE du 22 oct. 2013 (art. 3).
198. Circ. du 23 mai 2011, préc., p. 21, rappelant le seul exemple donné au cours des débats parlementaires à
savoir celui d'une personne soupçonnée d'enlèvement et dont les déclarations doivent être immédiatement
recueillies pour tenter de retrouver en vie sa victime.
199. Cass. crim., 17 déc. 2013, nº 12-84297 et nº 13-86565.
200. V. supra nº 132.

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