Guide pratique - Droit du cautionnement - 1re - 109

LE CONTENTIEUX DU CAUTIONNEMENT

fond sont contradictoires sur cette question62 et la Cour de cassation ne s'est
semble-t-il pas prononcée en la matière depuis un arrêt de la Chambre des requêtes de 1830 favorable à la faculté, pour la caution, de se prévaloir de la prorogation
du terme63. En dépit du faible nombre de décisions jurisprudentielles, la solution
semble s'imposer. Si le créancier accepte de proroger le terme de l'obligation, le
débiteur n'est pas, à proprement parler, défaillant de sorte qu'il n'y a pas lieu de
faire jouer la garantie. Le caractère solidaire de l'engagement devrait à ce titre
demeurer sans incidence, le caractère accessoire du cautionnement prévalant sur
la solidarité. En somme, solidaire ou non la caution dispose d'une option : se prévaloir de la prorogation du terme ou au contraire payer en vue d'exercer son recours
contre le débiteur.
On observera à ce titre que la faculté d'opposer la prorogation du terme n'est qu'en
apparence favorable à la caution. En effet, si la prorogation a été consentie alors que
le débiteur était déjà en difficulté - ce qui sera très souvent le cas en pratique - elle
n'aura que pour effet de retarder la mise en œuvre de la garantie et de diminuer
ainsi les chances de la caution d'être remboursée par le débiteur lors de l'exercice
de son action récursoire. Paradoxalement, la caution aura donc parfois intérêt à ne
pas se saisir de la faculté qui lui est reconnue par la jurisprudence et à payer à
l'échéance afin d'exercer immédiatement son recours contre le débiteur64. D'ailleurs, consciente de ces difficultés, la pratique contractuelle les surmonte par des
clauses contraignant le créancier à obtenir l'accord de la caution avant toute prorogation du terme, sous peine de déchéance de ses droits contre la caution. Ces clauses ont été reconnues valables par la jurisprudence65.
123 › Passivité du créancier et prorogation tacite − Si le créancier peut consentir une prorogation expresse du terme, il peut aussi faire preuve de passivité en
s'abstenant d'exercer toute poursuite contre son débiteur alors que la dette principale est exigible. Or, une telle passivité peut tout aussi bien être justifiée par la
négligence du créancier que par sa volonté d'accorder une prorogation tacite du
terme à son débiteur. C'est l'intention du créancier qu'il faudra sonder. Tout est
donc affaire d'espèce et c'est la raison pour laquelle la Cour de cassation abandonne une appréciation de cet ordre au pouvoir souverain des juges du fond66.
Mais si le juge décèle une volonté du créancier de consentir une véritable prorogation du terme, il en appliquera le régime. Le créancier risque donc d'être déchu
de ses droits si le contrat de cautionnement stipulait qu'il ne pouvait, sans l'accord de la caution, accorder une prorogation du terme. Une telle solution a priori
sévère pour le créancier ne trouve toutefois vocation à s'appliquer que lorsque la
négligence du créancier est telle qu'il n'existe que peu de doute sur sa volonté
d'accorder des délais et que l'on peut ainsi penser que le caractère tacite de la
prorogation avait pour seul objet de contourner les stipulations du contrat de
62. CA Rouen, 8 sept. 1993 ; JCP G 1994, IV, 375 ; CA Paris, 15e ch., sect. B, 12 févr. 2009, nº 07/12109, JCP G
2009, 492, nº 8, obs. Ph. SIMLER.
63. Cass. Req., 19 janv. 1830.
64. Sur les recours, v. infra nº 238 et s.
65. Cass. com., 8 nov. 2011, pourvoi nº 10-25064.
66. Cass. 1re civ., 16 mars 1994, pourvoi nº 92-12505 ; Cass. 1re civ., 1er déc. 1993, Bull. civ. I, nº 353, pourvoi
nº 91-19973 ; Cass. 1re civ., 16 juin 1978, Bull. civ. I, nº 220, pourvoi nº 77-10444.

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