Guide pratique - Droit du cautionnement - 1re - 173

LE CONTENTIEUX DU CAUTIONNEMENT

préjudice à la caution qui peut donc s'en prévaloir. Le préjudice est ici contenu
car il s'analyse en une perte de chance « de ne pas être appelée dans le cadre de
son engagement »381. La faute ainsi commise par l'établissement de crédit n'est
pas toujours à l'origine des difficultés du débiteur et, partant, de l'appel en
garantie de la caution382. En revanche, dès lors qu'il est établi que cette rupture
a causé des difficultés financières au débiteur, elle fait en principe perdre une
chance à la caution de ne pas être appelée en paiement383.
234 › Responsabilité pour non surveillance de l'affectation des fonds prêtés −
Lorsque les fonds prêtés n'ont pas été affectés conformément à leur destination, la caution prétend fréquemment en tirer argument pour engager la responsabilité de l'établissement de crédit. Ce moyen n'est que très rarement accueilli
par les juges. En effet, la Cour de cassation juge désormais avec constance que,
sauf stipulation expresse, le banquier n'est pas tenu de surveiller l'affectation
des fonds. Selon la Haute Juridiction, « la destination des fonds ne peut faire naître une obligation de contrôle de leur affectation à l'égard de l'organisme bancaire
qu'autant que celui-ci l'a expressément souscrite »384. En revanche, lorsque le
contrat prévoyait expressément une telle obligation à la charge de la banque,
la caution est fondée à se prévaloir de sa méconnaissance, quand bien même
elle serait l'épouse du gérant de la société n'ayant pas respecté l'affectation
prévue au contrat385. Comme les autres manquements précédemment examinés, la méconnaissance, par la banque, de son obligation de surveillance de l'affectation des fonds ne devrait en toute hypothèse causer à la caution qu'une
perte de chance de ne pas être appelée en paiement.
Le préjudice causé à la caution est-il distinct de celui subi par la collectivité
des créanciers à la liquidation ?
En cas d'ouverture d'une procédure collective, seuls le mandataire judiciaire
puis le liquidateur peuvent agir dans l'intérêt collectif des créanciers (articles
L. 622-20 et L. 641-4 du Code de commerce). Un créancier n'est dès lors pas
recevable à agir en réparation du préjudice que lui a causé la faute d'un tiers
dès lors que son préjudice, pour lui être personnel, n'est que la conséquence
indirecte du préjudice subi par son débiteur en procédure collective et la collectivité des créanciers. On peut se demander si la caution - créancière du
débiteur en difficulté au titre de son recours - qui invoque un manquement
de la banque commis envers le débiteur, subit réellement un préjudice distinct de la collectivité des créanciers. La Cour de cassation a répondu à cette
question par l'affirmative en jugeant que « les cautions, condamnées à rembourser une partie des concours bancaires accordés [au débiteur], faisaient
valoir un préjudice personnel, distinct de celui des créanciers, et résultant de
381. Cass. com., 30 mars 2010, pourvoi nº 09-14287, RD bancaire et fin., 2010, comm. 133, obs. D. LEGEAIS ;
Cass. com., 22 avril 1980, pourvoi nº 78-14275, Bull. civ. IV, nº 163, D. 1981, IR 1, obs. F. DERRIDA.
382. Cass. com., 14 janv. 2014, pourvoi nº 12-28890.
383. Cass. com., 13 sept. 2016, pourvoi nº 14-22373.
384. Cass. com., 1er juin 1999, pourvoi nº 97-12318 ; Cass. com., 8 oct. 2002, pourvoi nº 00-12156, Bull. civ. IV,
nº 137, RTD com. 2003, 144, obs. M. CABRILLAC ; Cass. com., 17 déc. 2003, pourvoi nº 01-12969 ;
Cass. com., 2 nov. 2005, pourvoi nº 04-11677 ; Cass. com., 15 févr. 2011, pourvoi nº 10-14912.
385. Cass. com., 11 oct. 2005, pourvoi nº 04-13953.

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