Guide pratique - Droit du cautionnement - 1re - 194

DROIT DU CAUTIONNEMENT

dépit de l'absence de déclaration de la créance principale par le créancier, en
dehors de la période d'exécution d'un plan de sauvegarde pour les cautions personnes physiques, et en toute hypothèse pour les cautions personnes morales.
Puisque la Cour de cassation leur refuse la possibilité d'opposer l'exception née
de l'absence de déclaration, les cautions se sont tournées vers le bénéfice de
subrogation de l'article 2314 du Code civil20. Il s'agit de soutenir que l'inopposabilité de la créance principale fait perdre à la caution un droit préférentiel au
sens de ce texte, par la faute du créancier. Cette possibilité ne fait pas de
doute lorsque le créancier bénéficiait, outre le cautionnement, d'une autre
sûreté, dont la caution ne peut plus se prévaloir dans le cadre de son recours
subrogatoire en raison de l'inopposabilité de la créance principale qui implique,
par accessoire, l'inopposabilité des sûretés la garantissant. En revanche, on a
longtemps enseigné que les droits qui sont liés à la seule qualité de créancier
chirographaire ne permettaient pas de faire jouer le bénéfice de subrogation
puisque, par hypothèse, ils ne sont pas de nature à conférer un avantage spécifique sur lequel la caution pouvait compter. La caution aurait donc été privée de
la possibilité d'invoquer l'article 2314 lorsque la créance non déclarée n'était
garantie par aucune sûreté supplémentaire.
La Cour de cassation est cependant revenue sur cette solution en jugeant que
« lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance, peu important la nature de
celle-ci, la caution est déchargée de son obligation si cette dernière avait pu tirer un
avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible
de lui être transmis par subrogation »21.
Cette solution marque un assouplissement sensible des conditions de mise en
œuvre de l'article 2314. Demeure cependant l'exigence d'un préjudice subi par la
caution, qui est à la fois une condition et la mesure de la décharge accordée à la
caution. La caution ne peut donc être déchargée qu'à hauteur de ce que le créancier
aurait pu recueillir dans le cadre des répartitions s'il avait déclaré sa créance. La
jurisprudence est cependant là encore favorable à la caution puisque si la perte du
droit est établie, elle est présumée causer un préjudice à la caution : il revient alors
au créancier de prouver que le droit perdu n'aurait pas été profitable pour la caution.
Cela a été rappelé par un arrêt récent au sujet, précisément, de l'absence de déclaration de la créance principale à la procédure collective : « c'est au créancier de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice
à celle-ci »22. S'il est établi que les créanciers chirographaires ne reçoivent rien dans

20. Sur ce texte, v. supra nº 222 et s.
21. Cass. com., 19 févr. 2013, pourvoi nº 11-28423, Bull. civ. IV, nº 26 ; RTD civ. 2013, 416, obs. P. CROCQ ; LEDC,
2 avr. 2013, nº 4, p. 2, obs. N. LEBLOND ; JCP E 2013, 1216, nº 7, obs. Ph. PÉTEL ; Dr. et proc,. avr. 2013, Cah.
Dr. des entr. en difficulté, p. 6, obs. Ph. ROUSSEL-GALLE ; JCP 2013, 585, nº 9, obs. Ph. SIMLER. V. également
Cass. 1re civ., 3 juill. 2013, pourvoi nº 12-21126, RLDC oct. 2013, 33, obs. Ch. GIJSBERS ; D. 2014, 1610, obs.
P. CROCQ ; RTD com. 2013, 809, obs. A. MARTIN-SERF ; Cass. com., 12 juill. 2011, pourvoi nº 09-71113,
Bull. civ. IV, nº 118 ; RTD civ. 2011, 782, obs. P. CROCQ ; RTD com. 2011, 625, obs. D. LEGEAIS ; ibid. 2012,
405, obs. A. MARTIN-SERF ; RLDC oct. 2011, 32, obs. J.-J. ANSAULT ; RD banc. fin., sept.-oct. 2011, 37, obs. A.
CERLES ; Banque et droit, nº 139, sept.-oct. 2011, 42, obs. F. JACOB ; JCP G 2011, 901, note N. DISSAUX.
22. Cass. com., 8 avril 2015, pourvoi nº 13-22969, Bull. civ. IV, nº 62.

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