Guide pratique - Droit du cautionnement - 1re - 61

LA CONCLUSION DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT

A - L'ABSENCE DE DEVOIR D'INFORMATION ET DE MISE EN GARDE
DE LA CAUTION AVERTIE
56 › Exposé du principe − Sauf circonstances exceptionnelles165, le créancier,
même professionnel, n'est tenue vis-à-vis de la caution avertie d'aucune des obligations d'information ou de mise en garde envisagées précédemment, quel qu'en
soit l'objet. Ainsi, une caution avertie ne peut-elle en principe reprocher à une
banque aucune réticence dolosive et aucun manquement à son obligation d'information relative à la situation financière du débiteur principal, dont il est soutenu
qu'elle est irrémédiablement compromise ou du moins lourdement obérée au
moment de la souscription du cautionnement166. De même, la caution avertie ne
peut se prévaloir de la responsabilité du banquier pour soutien abusif d'un débiteur dont la situation est lourdement obérée167. Doivent notamment être rejetées
les demandes de cautions dirigeante et associée qui détenaient « toutes les informations utiles pour leur permettre d'apprécier la portée des engagements
souscrits »168. Le même raisonnement s'impose en matière de proportionnalité
de l'engagement de la caution par rapport à ses patrimoine et revenus : la Cour
de cassation juge de façon constante que la caution avertie ne peut rechercher
avec succès la responsabilité de l'établissement de crédit169.
57 › L'exception en présence de circonstances exceptionnelles et de dissymétrie d'information − S'il est incontestablement plus difficile pour une caution
avertie de rechercher la responsabilité du créancier pour manquement à une
obligation d'information ou de mise en garde, cela n'est pas impossible.
Ainsi la Cour de cassation juge-t-elle que ce n'est qu'« à défaut de circonstances
exceptionnelles non invoquées », justifiant que la caution avertie ait ignoré le caractère ruineux du crédit accordé, ou la situation lourdement obérée du débiteur principal, que celle-ci n'est pas fondée à rechercher la responsabilité d'une banque170.
De telles circonstances exceptionnelles pourraient résulter de la preuve que l'établissement de crédit disposait d'informations sur la société débitrice que la caution
ignorait effectivement. La Cour de cassation prend ainsi souvent le soin de préciser
que la demande de dommages et intérêts de la caution avertie est rejetée car elle
« n'a ni démontré ni prétendu que la [banque] aurait eu des renseignements sur la
situation de la société et sur les capacités de cette dernière [qu'elle-même] aurait
ignorés »171. Doit en revanche être censuré l'arrêt d'appel qui a retenu la
165. V. infra nº 57.
166. Cass. com., 1er avril 2003, pourvoi nº 99-19072 ; Cass. com., 19 avril 2005, pourvoi nº 03-12879 ; Cass. com.,
28 janv. 2014, pourvoi nº 12-27703, Bull. civ. IV, nº 20.
167. Cass. com., 3 mars 1992, pourvoi nº 90-12710, Bull. civ. IV, nº 99 ; dans le même sens, Cass. com., 6 févr.
2001, pourvoi nº 97-10646, Bull. civ. IV, nº 29 ; Cass. com., 14 déc. 2010, pourvoi nº 09-71303 ; Cass. com.,
20 nov. 1990, pourvoi nº 89-15647.
168. Cass. com., 28 nov. 2006, pourvoi nº 05-13559.
169. Cass. com., 28 nov. 2006, pourvoi nº 05-13559, préc. ; adde, interprétés a contrario, les arrêts cités supra nº 53
et s. et restreignant le bénéfice du devoir de mise en garde à la seule caution non avertie.
170. Cass. com., 12 nov. 1997, pourvoi nº 95-13681, Bull. nº 284 ; Cass. com., 24 sept. 2003, pourvoi
nº 00-20309 ; Cass. com., 13 nov. 2007, pourvoi nº 06-12412.
171. Cass. com., 15 déc. 2009, pourvoi nº 08-20702 ; dans le même sens, Cass. com., 1er févr. 2011, pourvoi
nº 10-10523 ; Cass. com., 22 mai 2007, pourvoi nº 05-21703 ; Cass. com., 2 oct. 2012, pourvoi
nº 11-22829 et pourvoi nº 11-23281 ; Cass. com., 22 janv. 2013, pourvoi nº 11-25377.

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