Guide pratique - La procédure pénale en droit de la presse - 1re - 163

LA RESTRICTION DES MESURES PROBATOIRES

368 › Mais lorsque la liberté de la presse n'est plus en jeu, cette protection perd
de sa pertinence, aussi est-elle généralement exclue. Ainsi en vertu de l'article
L. 450-4 du Code de commerce, le JLD peut autoriser des opérations de visite et
saisie dans toute entreprise, quelle que soit son activité. Dans une affaire de
pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la presse quotidienne sportive,
de telles opérations ont été autorisées, avant d'être interdites par une ordonnance qui, notamment, affirmait que les visites et saisies dans les locaux d'entreprises de presse sont soumises aux exigences de l'article 56-2 du Code de
procédure pénale : en statuant ainsi, « le juge a ajouté à la loi des conditions
qu'elle ne comporte pas »18. La chambre criminelle de la Cour de cassation a
depuis refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC contestant cette
interprétation de l'article L. 450-4, pour défaut de caractère sérieux19.
Par ailleurs, dans un arrêt remarqué relatif aux perquisitions fiscales20, la chambre
commerciale de la Cour de cassation avait validé une ordonnance ayant énoncé
« que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne prévoit pas la présence
d'un magistrat en cas de visite domiciliaire dans une entreprise de presse », lorsque
celle-ci a « pour seul objet de rechercher les preuves de la fraude fiscale présumée
commise par cette société ». Mais la chambre commerciale envisage une solution
inverse, en insistant sur le fait qu'en l'espèce « il n'est pas allégué que cette visite ait
été utilisée pour rechercher les sources d'un journaliste ni qu'elle ait permis de
découvrir de telles sources ; que le premier président en a exactement déduit la
régularité des autorisations et des opérations de visite sans la présence d'un magistrat ». Indépendamment de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, la liberté
d'expression promue par l'article 10 de la Conv. EDH, si elle est en danger, doit s'appliquer en tout contentieux.
369 › Nécessité et proportionnalité. Plus généralement, les perquisitions réalisées dans une entreprise de presse doivent être nécessaires et proportionnées
aux buts poursuivis21. Il en est ainsi, notamment, lorsque des perquisitions, limitées dans le temps et l'espace, étaient seules susceptibles d'aider à la recherche des auteurs et complices des faits poursuivis22 ; ou lorsqu'elles sont réalisées, après des premières mais vaines investigations, pour réagir à des
violations du secret de l'instruction et de recel de ce délit, compromettant la
réussite d'une enquête, sans entraver l'exercice de la profession de journaliste
ni la diffusion de l'information23. Mais ces jurisprudences sont antérieures à la
fois à la loi du 4 janvier 2010 et aux deux arrêts rendus par la CEDH en 2012.
Depuis, la Cour de cassation semble avoir resserré son appréciation : ainsi
d'une perquisition au sujet de laquelle une chambre de l'instruction se contente
de relever que la violation du secret de l'instruction a gravement perturbé l'enquête, et ajoute que l'intérêt public nécessite que les enquêteurs ne commettent
aucune violation du secret qui les lie, et que si une telle violation est suspectée,
18.
19.
20.
21.
22.
23.

Cass. crim., 11 janv. 2012, no 10-85446 (B).
Cass. crim., 26 juill. 2017, no 16-87189.
Cass. com., 11 mai 2017, no 15-28988 (B).
CEDH, 5e sect., 12 avr. 2012, no 30002/08, Martin et a. c/France, § 86.
Cass. crim., 5 déc. 2000, no 00-85695 (B).
Cass. crim., 30 oct. 2006, no 06-85693 (B).

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