Guide pratique - La procédure pénale en droit de la presse - 1re - 83

LES PARTIES AU PROCÈS DE PRESSE

146 › En premier lieu, l'article 48 prévoit lui-même un aménagement aux
exceptions qu'il instaure6. Tel est expressément le cas s'agissant d'une hypothèse de diffamation ou d'injure envers les particuliers. À leur égard, si par principe « la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée », elle pourra toutefois « être exercée d'office par le ministère public
lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers une personne ou un
groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur
non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée »7. La solution est particulièrement pertinente lorsque c'est un
groupe de personnes qui est visé (comment identifier les membres de ce
groupe ? comment recueillir leurs plaintes préalables ?). Elle répond surtout à
des considérations de politique pénale, la loi nº 72-546 du 1er juillet 1972 relative
à la lutte contre le racisme ayant souhaité restaurer la plus grande liberté d'action au ministère public, pour ces actes qu'elle avait vocation à réprimer le plus
sévèrement.
147 › Le même 6º de l'article 48 prévoit ensuite une solution plus originale,
lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. En ce
cas, la « poursuite pourra également être exercée d'office par le ministère
public », mais lorsque ces diffamations ou injures auront été commises envers
des « personnes considérées individuellement », le déclenchement de l'action
publique se fera « à la condition que celles-ci aient donné leur accord ». Cet
accord se distingue formellement d'une plainte préalable, la victime n'ayant
pas à prendre l'initiative des poursuites ; il reste que dans les deux cas, elle
doit y consentir8.
148 › En second lieu, et surtout, il faut bien comprendre que l'article 47 édictant
le principe et l'article 48 ses exceptions (limitatives), le ministère public peut
tout à fait poursuivre les infractions non visées par ce dernier texte - par exemple, les publications interdites telles que visées aux articles 38 à 40 de la loi sur
la presse, ou l'injure visant les témoins et jurés, puisque l'article 48, 4º ne vise
que la diffamation. Tel est encore le cas lorsque la publication des propos ne
cause aucune victime directe, de sorte qu'il est impossible de recueillir de quelconques plaintes préalables9.
Dans ces conditions, l'article 47 de la loi du 29 juillet 1881 confère un « pouvoir
exclusif » au ministère public de mettre en mouvement l'action publique, lequel
n'ayant pas pour effet de priver la victime de l'accès à un juge pour voir statuer
sur sa demande de réparation civile, ne méconnaît aucune disposition
conventionnelle10.

6. Ces exceptions sont présentées infra no 157 s.
7. Art. 48, 6º L. 1881.
8. Comp. infra no 178.
9. V. infra no 153.
10. Cass. crim., 11 mai 2016, no 15-82365 (B).

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