Gazette du Palais - Hors série 3 - Réactivité et adaptation dans la vie des affaires - 44e Colloque de l'association Droit & Commerce - 22 et 23 mars 2019 - Deauville - 51

Actes de colloque

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RÉACTIVITÉ ET ADAPTATION, ÉGALEMENT DES DEVOIRS

La réactivité dans l'arbitrage

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L'essentiel

L'ensemble du droit et de la pratique de l'arbitrage est traversé par la recherche de la meilleure efficacité, et
donc de la plus grande réactivité. C'est non seulement un des atouts de cette justice privée, mais c'est aussi
une des raisons de son attractivité grandissante. On le mesure dans tout le régime juridique de l'arbitrage,
qui n'hésite pas à utiliser des expédients pour parvenir à cette réactivité. Celle-ci est telle que, parfois, le
devoir de réaction a supplanté des règles fondamentales qui ne peuvent plus être invoquées au stade du
recours faute de l'avoir été rapidement pendant l'instance arbitrale. C'est ce que la Cour de cassation vient
notamment de consacrer dans la célèbre affaire Tecnimont au sujet de l'indépendance de l'arbitre, montrant
que le devoir de réaction est en passe de l'emporter sur toutes les autres règles.
1. Parmi les qualités prêtées
à l'arbitrage, il y a, assurément, le fait qu'il s'agisse
d'une justice rapide, surtout
si on la compare au parcours
judiciaire complet. Pourtant,
à l'analyse, on s'aperçoit
que cette rapidité revendiquée est à la fois exacte et
inexacte. Exacte car il est
tout à fait possible d'obtenir
Par
une sentence arbitrale défiThomas CLAY
nitive en 3 mois si les parties
Agrégé des facultés de
l'ont prévu et le veulent  ;
droit, professeur à l'école
les agendas personnels des
de droit de la Sorbonne
arbitres ou des conseils ne
(Paris 1), avocat au
barreau de Paris, Clay
sauraient ralentir le proArbitration
cessus. Si chacun y met du
sien, l'arbitrage va vite, la
sentence est rendue sans appel, et l'exequatur s'obtient
sans désemparer. Inexacte car il y a des abus qui ont
pour conséquence de faire durer exagérément certaines
procédures. L'arbitrage offrant une panoplie de mesures
à disposition des parties, celles qui veulent les utiliser
toutes prolongent alors exagérément l'instance, ce qui
a aussi pour conséquence d'en renchérir le coût. Mais
en dehors de ces cas pathologiques, on peut continuer à
considérer que l'arbitrage est une justice rapide.
2. C'est aussi une justice réactive, au sens premier du
terme, à savoir qu'elle réagit, qu'elle s'ajuste, qu'elle colle
à son objet, et de deux manières. D'une part, l'arbitrage
s'adapte au litige qu'il doit trancher. Ses spécificités, ses
usages, ses règles non dites sont mieux prises en compte
dans l'arbitrage dont les juges, à savoir les arbitres, sont
sensibles aux réalités de terrain.
D'autre part, l'arbitrage est une justice réactive en ce
qu'elle s'adapte aussi à l'évolution de la société. Elle
l'appréhende, la contrôle, la précède même parfois. Pour
ne prendre qu'un exemple, l'arbitrage a intégré la révolution technologique depuis déjà un certain temps, et sa
numérisation vient d'être consacrée par le législateur
dans l'article 4 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice,
qui permet la certification des centres d'arbitrage en
NDA : Le style oral a été partiellement conservé.

ligne et qui consacre explicitement la sentence arbitrale
numérique (1).
Réactif, l'arbitrage l'est aussi comme justice des affaires
internationales. Il s'adapte aux bouleversements économiques, politiques ou géopolitiques. Il offre une stabilité
dans le mode de résolution des litiges que les justices
étatiques ne peuvent pas garantir, sauf dans les pays très
solides. Paradoxalement, parce qu'il est neutre, déterritorialisé, à l'abri de toutes les influences, l'arbitrage
constitue un pôle de stabilité. Mais, dans le même temps,
c'est aussi une justice qui sait prendre en compte les bouleversements économiques d'une région, d'un pays, d'un
droit, d'une monnaie ou d'un contrat. C'est une justice qui
sait agir face à une dévaluation, une crise économique,
une expropriation, un changement législatif, un coup de
force. Parce qu'il est une justice indépendante des ordres
juridiques étatiques, l'arbitrage sait réagir face aux incertitudes et aux vicissitudes.

"

L'arbitrage est une justice
collective, voire collaborative

"

3. L'arbitrage est enfin une justice collective, voire collaborative. L'arbitre, en effet, n'est pas seul : il est entouré
de ses coarbitres, du centre d'arbitrage ou du juge d'appui,
des conseils, des parties, des experts, etc. Tous ensemble
ils concourent à cette justice, à la procédure, à l'avancement du procès arbitral. C'est une justice qui se monte et
se fabrique à plusieurs, même si la décision finale n'appartient bien sûr qu'aux arbitres.
4. Ce processus collectif créé les conditions d'une justice
adaptée et réactive. Mais c'est à la condition que tout le
monde joue le jeu. Et c'est la raison pour laquelle les mauvais joueurs doivent être sanctionnés. L'arbitrage porte en
effet en lui les conditions de la réactivité, et prévoit donc
des sanctions quand celle-ci fait défaut. Il y a là une menace préventive qui permet d'affirmer que la réactivité est
au cœur de l'arbitrage.
Parfois la réaction au sein de l'arbitrage ne suffit pas et il
faut contraindre par l'extérieur. Les outils internes étant

(1) En dernier lieu, v. Clay T. (dir.), rapp. « L'arbitrage en ligne », 2019, Le club
des juristes.
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