Gazette du Palais - Hors série 3 - Réactivité et adaptation dans la vie des affaires - 44e Colloque de l'association Droit & Commerce - 22 et 23 mars 2019 - Deauville - 56

Actes de colloque

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RÉAGIR, S'ADAPTER MAIS AUSSI CONSIDÉRER L'AVENIR...

Peut-on préserver contractuellement l'avenir ?

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L'essentiel

Dans notre pratique quotidienne, le temps est devenu un dictateur omniprésent. Il peut s'appuyer allégrement
sur nos nouveaux outils de communication et de travail pour imposer son impérium.
L'agilité et la rapidité d'exécution deviennent le lot quotidien des juristes d'entreprises performants et de
leurs conseils.
Est-ce suffisant pour bien remplir notre mission ?
Dans un environnement volatil, préserver l'avenir, c'est avant tout préserver l'essentiel. Il faut le faire avec
plus d'imagination peut-être que par le passé...

N

Par

Philippe SUMEIRE

ous avons vu hier et ce
matin quelle accélération vertigineuse caractérise
nos vies quotidiennes et
bien évidemment la vie des
affaires, modifiant et remodelant en permanence notre
pratique du droit, suscitant même des réformes
de textes ou bouleversant
la conduite des procédures
judiciaires et arbitrales.

La soft law qui s'est développée abondamment dans
plusieurs domaines du droit
est marquée aussi par cette
nécessité de produire très
vite des règles ou au minimum des orientations, des
guidelines pour des acteurs
économiques avides de sens et angoissés à l'idée de ne
pas avoir de réponses rapides à leurs interrogations.
Directeur juridique et
secrétaire du conseil
d'administration
SEB SA, président
de la commission
Rhône-Alpes-Auvergne du
cercle Montesquieu

Le développement des modes alternatifs de règlement
des litiges traduit aussi cette accélération du temps et le
besoin de réduire nos zones d'incertitudes aussi vite que
possible.
Qu'en est-il plus particulièrement dans les directions juridiques d'entreprise ?
Bien évidemment, avec nos collègues opérationnels, nous
cherchons toujours à piloter l'avenir, à l'anticiper, mais à
le faire plus vite, en intégrant des aléas plus divers et donc
avec plusieurs scénarii, dont le fameux plan B, mondialisation oblige.
En effet, comme le doyen Jacques Mestre l'exposait dans
son introduction à notre colloque, le facteur temps nous
oppresse, nous obsède même et peut parfois nous faire
perdre le cap parce qu'il se double d'une augmentation
de la complexité du monde : les mails s'accumulent, les
consommateurs insatisfaits des temps de réponse se
plaignent sur les réseaux sociaux, les agences indépendantes se multiplient et nous noient sous leurs codes de
conduite, leurs guides de « bonnes pratiques », leurs listes
de documents - longues comme un jour sans pain - à produire dans des délais toujours plus brefs... Dans le même
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.

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ordre d'idée, les documents de référence des émetteurs
sont passés en 15 ans de 80 à 350 pages afin de détailler
les règles de gouvernance, les objectifs en matière de RSE
et ce mouvement ne semble pas - encore - se calmer.
Pour autant, il faut produire cette somme annuelle dans
des délais records, tant il est attendu par une foule avide
d'analystes financiers qui produiront à leur tour fébrilement des études sur les perspectives de l'émetteur.
Une réponse consiste à s'organiser au sein des directions
juridiques pour emboîter le pas à la révolution digitale en
marche : LegalTech, industrialisation de nos processus
de production d'avis ou de contrats. Ce que nous faisons,
bien sûr, mais ce ne sont là que des outils, qui concourent
d'ailleurs à entretenir cette course folle.
Bref, être agile, s'adapter est indispensable mais il faut
pourtant savoir garder le cap, dans ce domaine comme
dans tant d'autres.
Ce qui revient à s'interroger sur le sens que nous donnons
à notre fonction. Il est sain de se concentrer sur les missions essentielles et faire le tri pour que la dictature du
temps ne nous transforme pas en animal agile et guidé par
de seules considérations tactiques.
L'expérience de plus de 30  ans en entreprise semble
m'inciter à penser que si l'un ne peut aller sans l'autre,
préserver l'avenir reste un défi qui exige humilité tant
nul ne sait jamais à l'avance si les prévisions et donc les
contrats que l'on aura mûrement conçus, négociés et
signés offriront le jour venu la solution salvatrice qu'on
imaginait. Face à ce défi, il faut être créatif et, encore une
fois, garder le cap sur l'essentiel.
Dans un premier temps, nous esquisserons comment
notre pratique rédactionnelle prend en compte cette
situation (I).
Puis, nous prendrons un exemple de notre pratique pour
illustrer ce propos (II)

I. ÉVOLUTION DE NOTRE PRATIQUE
RÉDACTIONNELLE
Le souci d'appréhender l'avenir est l'une des formidables
vertus du droit, comme nous le rappelait avec humour le
professeur Carbonnier dans « Flexible Droit » en soulignant combien la condition suspensive et la condition
résolutoire étaient de merveilleux outils d'anticipation en
fonction du sort réservé au siège de Troie...
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