Gazette du Palais - Hors série 3 - Réactivité et adaptation dans la vie des affaires - 44e Colloque de l'association Droit & Commerce - 22 et 23 mars 2019 - Deauville - 9

Actes de colloque

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RÉACTIVITÉ ET ADAPTATION, DES OPPORTUNITÉS

La réactivité en droit contemporain des contrats :
des réactions unilatérales au smart contract
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L'essentiel

La réactivité est un souci constant des contractants, en particulier dans la vie des affaires. L'acculturation
rapide de nouvelles technologies - des blockchains aux smart contracts - atteste de ce que la pratique est
à l'affût d'instruments d'accélération des processus contractuels. Le fond du droit n'est pas en reste. Les
prérogatives unilatérales consacrées par la réforme du droit des contrats encouragent aussi une forme de
réactivité, en permettant par exemple à une partie de placer l'autre devant le fait accompli de la résolution
de la convention ou bien encore de la réduction du prix. Ce double mouvement - en fait et en droit - mérite
d'être appréhendé : la course à la réactivité pourrait sinon devenir ferment de déséquilibre entre les parties.

a réactivité est consubstantielle à la vie des
affaires : aucune activité
économique ne prospère
sans être en prise avec les
réalités. Sans doute estce pourquoi le droit des
affaires est une matière
plus mouvante que d'autres.
Le fréquent recours que
le vieux droit commercial
Par
faisait aux usages attestait
Dimitri HOUTCIEFF
déjà de ce besoin d'adaptaAgrégé des facultés
bilité : la pratique n'est-elle
de droit, professeur à
pas la mieux à même de
l'université Paris-Saclay,
faire éclore des règles qui
ancien avocat au barreau
de Paris
lui sont adaptées (1) ? Le rôle
prépondérant de la jurisprudence s'explique aussi par cet impératif (2) : les tribunaux
de commerce furent d'ailleurs conçus pour être adaptés
aux spécificités du négoce (3).

convention (4). Le droit des affaires déroge en effet souvent
au droit commun afin de libérer l'activité économique de
ses entraves : la liberté de la preuve entre commerçants
ne s'explique pas autrement, qui dispense du temps et du
coût de la rédaction d'actes ordinaires (5). L'ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit
des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est cependant plus sensible aux nécessités de
la vie des affaires que ne l'était le Code Napoléon : elle
s'est employée à favoriser la réactivité des contractants.
La consécration d'une révision pour imprévision mise à
part, cette recherche d'efficacité s'est largement traduite
par un recul du rôle du juge. L'exception d'inexécution,
qui permet de refuser l'exécution sans recourir au juge, a
non seulement été codifiée, mais aussi élargie, au point de
pouvoir désormais être invoquée « dès qu'il est manifeste
que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance » (6).
Plus encore, les parties peuvent désormais réduire (7) ou
résoudre (8) le contrat sans recourir au juge : ce dernier
n'interviendra plus que pour contrôler a posteriori l'exercice de ces facultés unilatérales.

Non seulement le droit des affaires est réactif, mais il
favorise la réactivité. La préoccupation est également ancienne et passe parfois aussi par le recours aux usages. Le
juge peut par exemple autoriser l'adjonction d'une activité
connexe à celle prévue par le bail commercial en fonction
« de l'évolution des usages commerciaux » : le preneur
peut ainsi faire évoluer son activité sans être contraint par
une application desséchante de la force obligatoire de la

En matière contractuelle comme ailleurs, « l'enfer c'est
les autres » : les frontières de cet enfer ne s'arrêtent
donc pas au juge. Le contrat nécessite parfois en effet
le recours à certains tiers pour être constaté, enregistré ou encore devenir opposable. L'escale chez ce tiers
semble un détour à certains : aussi plaident-ils parfois
pour s'en dispenser en recourant aux nouvelles technologies. La blockchain permettrait ainsi d'entrevoir un monde

NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé
(1) Valéry J., « La coutume commerciale », Rev. crit. législ. et jurispr. 1924, p. 418.
(2) Par l'entremise de la doctrine, la jurisprudence est à la source de constructions
telles que le compte courant, l'abus de minorité en droit des sociétés, ou encore
la théorie du fonds de commerce : v. sur cette question Atias C., « Hypothèse
sur la doctrine en droit commercial », in collectif, Études dédiées à René Roblot,
1983, LGDJ, p. 29 et s.
(3) Raibaut J., « Les tribunaux de commerce : une institution au service de la
modernité », RJC 2008, p. 256 et s.

(4) C. com., art. L. 145-47, al. 1 et 2 : « Le locataire peut adjoindre à l'activité
prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ; à cette fin, il doit
faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont
l'exercice est envisagé. Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de
faire connaître dans un délai de 2 mois, à peine de déchéance, s'il conteste le
caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En cas de contestation, le
tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en
fonction notamment de l'évolution des usages commerciaux ».
(5) C. com., art. L. 110-3 : « À l'égard des commerçants, les actes de commerce
peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé
par la loi ». Sur cette question, v. Houtcieff D., Droit commercial, 4e éd., 2016,
Sirey, spéc. nos 402 et s. et les références citées.
(6) C. civ., art. 1220.
(7) C. civ., art. 1223.
(8) C. civ., art. 1226.
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