Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020 - 17

Actual ité

émotionnelle, notre relation à nos collègues, vont nécessairement être enrichis par un tel outillage. La maîtrise
de tels savoir-être fera de nous des avocats plus observateurs, plus sensibles et plus disponibles également.
C'est donc vers une réforme profonde de notre formation,
mère de toutes les batailles, que nous devons mobiliser
notre énergie : rendre notre formation initiale plus lisible
et plus adaptée aux mutations que nous venons d'évoquer.
Cette transformation au profit d'une « désacadémisation »
(barbarisme pleinement assumé) de notre formation initiale est d'autant plus indispensable que notre parcours
au sein de la profession ne sera pas aussi linéaire qu'il ne
l'était il y a encore 20 ans et c'est moins d'une connaissance juridique professionnalisée que d'une capacité de
polyvalence dont nous avons désormais besoin  : nous
changerons plusieurs fois de spécialités au cours de
nos carrières, des pans entiers de notre savoir seront
balayés par une réforme ou un changement de pratique,
nous obligeant à repenser instantanément notre modèle
économique et à nous adapter. Matière de plus en plus
sophistiquée, enrichie quotidiennement par une régulation galopante et instable, bouleversée par l'extraordinaire
contribution des droits et des cultures étrangères, notre
corpus juridique est si vaste qu'il est insensé d'espérer en
appréhender durablement ne serait-ce que les contours.
Notre droit est si complexe et fluctuant que c'est dans
notre capacité à collecter, comprendre et retranscrire

l'information, et à lui donner sa juste valeur économique,
que réside le talent du juriste. À la faveur d'une réforme,
d'une mutation de notre droit ou d'une pratique nouvelle
(organique ou importée), nous changerons de spécialités
et serons mobiles à l'intérieur même de notre environnement professionnel. C'est dire l'importance de notre
capacité d'adaptation et d'une lecture stratégique et
tactique de notre parcours, d'une vision de ce que nous
voulons individuellement et collectivement devenir et
d'une anticipation des obstacles ou des bouleversements
qui affecteront nos vies professionnelles.
C'est sans doute ici que réside le principal enseignement,
pour notre profession, de la crise sanitaire que nous venons de traverser : elle accélère une prise de conscience
individuelle et collective sur notre exposition économique,
sur les qualités d'adaptation qu'il nous faut impérativement maîtriser, sur le lien humain qu'il faut apprendre
à exprimer malgré la distanciation. Il ne s'agit pas ici de
trouver un bénéfice à une épreuve si douloureuse, mais
un enseignement. La transformation de notre profession
est incontournable. Mais elle ne peut être mise en œuvre
utilement que si nous acceptons de nous libérer d'une mythologie qui nous a, à certains égards, anesthésiés, et que
nous envisageons notre profession dans toute sa plénitude
et toutes ses polarités : humaine et sociale évidemment,
mais également économique et politique.
388u6

G A Z E T T E D U PA L A I S - m a r d i 6 o c to b r e 2 0 2 0 - N O 3 4

17
Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020

Table des matières de la publication Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020
